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Critique de Erik35


Erik35
02 septembre 2017
VIVE LES FEMMES !

Publié en 1901 chez Mc Clure, Philips & C, le Dieu de ses pères est rien moins que le second volume de nouvelles jamais publié par le bientôt célèbre Jack London. Il publiera en effet le désormais fameux "Call of the wild" (qu'une mauvaise traductrice transformera idiotement en "L'Appel de la forêt" dans notre langue) l'année suivante. On retrouve, bien évidemment, l'âme du grand nord, sa froidure, sa difficulté à vivre et même à seulement survivre dans ce recueil-ci, que l'on soit blanc ou indien, homme ou femme, être civilisé ou animal. Comme on le sait désormais, particulièrement grâce à cet écrivain redoutable d'efficacité d'écriture et de sens du racontar, ce grand nord canadien et l'Alaska proche furent envahis par des hommes obsédés par l'irrépressible soif de l'or en cette fin de décennie 1890 (1897-1898 pour être précis). Souvent épuisés par la mauvaise alimentation, voire la famine, après avoir bataillé de longs mois contre le sol gelé, lutté parfois jusqu'à la mort contre des grand froids pouvant atteindre les -50°C, nos valeureux chercheur d'or finissent souvent par tourner en rond. C'est aussi le moment propice pour tomber amoureux ! Certains vont choisir une indienne ("Siwash", "La grande question", "Là où bifurque la piste"), d'autres courir après une blanche au fort caractère ("une fille de l'aurore"), certaines vont tomber sincèrement amoureuses de l'homme qui les a choisi, d'autre assumer ainsi une vieille vengeance. Mais dans tous les cas, seules ces femmes semblent être à même de maintenir un semblant d'ordre, un soupçon d'élégance, un reste de civilisation ; elles seules semblent capable d'empêcher les hommes de retomber dans les mêmes antiques travers : alcool, vol, lâcheté, meurtre, individualisme...

Si l'enfance de Jack London ne fut pas d'une franche gaieté, du moins en ce qui concerne ses relation avec une mère qui n'avait jamais voulu de lui, c'est pourtant du côté des femmes que les rares moments de bonheur dans une existence pauvre et difficultueuse surgirent. Que ce soit avec la vieille nounou noire (celle qui lui prêta affectueusement l'argent de son premier bateau) ou sa sœur aînée (d'un premier mariage de son père adoptif. Ce que Jack n'apprendra qu'à l'âge de vingt ans), que ce soit avec la bibliothécaire, poète reconnue de la ville, qui su, peut-être la première, reconnaître en ce jeune et passionné lecteur un esprit original et prometteur, que ce soit encore, quelques années plus tard, avec sa seconde épouse Charmian qui fut tout autant son aimée, son amie que sa partenaire à part entière (ce qui n'était pas si fréquent en ces années-là où il se devait qu'une bonne épouse sache rester à sa place), Jack London fut, à n'en point douter, l'aimé des femmes. Et l'auteur du futur Croc-Blanc, l'amoureux, certes malheureux, de Martin Eden le leur rendit bien au fil de sa carrière, jusqu'à épouser la cause féministe et à demander, avec une vingtaine d'année d'avance sur les faits, leur égalité civique.

C'est un peu de ce Jack-là que l'on retrouve au fil des onze très belles nouvelles de ce recueil méconnu (avec un satisfecit tout particulier pour son "Siwash" et pour le terrible "L'abnegation des femmes"), dans ce monde dur, sans équivoque possible (sans quoi c'est la mort assurée), où les êtres et les choses sont tour à tour violents et poétiques, intrépides et sans but, courageux et pusillanimes, mais un monde où, sans la figure de ces quelques trop rares femmes, la vie ne serait plus autre chose qu'une vulgaire jungle -jungle de glace mais jungle tout de même- sans foi, ni loi, ni amour, ni honneur. Des leçons de vie comme nous aimons en recevoir !
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