Quoi qu’il en soit, même avant le Jeudi Noir, Len faisait partie de ces gens qui croient que la Fin du Monde est proche. Vous savez, ceux qui voient des signes de l’Apocalypse dans tout : le 11 Septembre, les tremblements de terre, l’Holocauste, la globalisation, le terrorisme, tout ça. Il croyait vraiment que, d’un moment à l’autre, Jésus allait embarquer toutes les âmes sauvées au ciel et laisser le reste du monde souffrir sous le joug de l’Antéchrist. D’autres croyaient même qu’il était déjà sur Terre, l’Antéchrist.
L’histoire se répandit comme un feu de broussailles, et il ne fallut pas longtemps aux autres tabloïdes pour se procurer des photos de moi tout aussi compromettantes – sans aucun doute grâce à mes amis, ou ex-amis. Je ne devrais probablement pas leur en vouloir d’avoir cherché à se faire un peu d’argent. La plupart étaient eux-mêmes des artistes sans le sou.
Comme le 11 Septembre. À moins de s’être trouvé là et de l’avoir carrément vécu. Mais je crois qu’on s’habitue à tout, au bout du compte, vous savez. Tenez : les coupures de courant qu’on a dans mon quartier, depuis un moment. Eh bien, après avoir râlé et pesté comme des veaux, c’est dingue comme on s’y est vite habitués.
Nous devrions remercier la providence qu’ils aient été sauvés, au lieu de perdre notre temps à bâtir autour d’eux des théories du complot alambiquées ou d’étaler leurs noms sur des unes bavardes.
Ce ne sont pas des phénomènes de foire. Ce sont des enfants. Je vous en prie : ce qu’il leur faut, c’est de l’air et du temps pour guérir, pour assimiler tout ce qu’ils ont vécu.
On ne peut pas s’en empêcher. On se met à prier que celui qu’on attend ait raté l’avion, qu’on se soit trompé en notant le numéro du vol ou la date d’arrivée, que tout cela ne soit qu’un rêve, un scénario de cauchemar dément.
Je n’accorde aucun crédit non plus aux autres fables qui courent sur la tragédie : on dit que le pilote était suicidaire, que la forêt l’a appelé à elle, sinon pourquoi s’écraser dans la Jukai ? De telles histoires ajoutent souffrance et angoisse là où il n’y en a déjà que trop. Pour moi, il est clair que le commandant de bord a fait tout ce qui était en son pouvoir pour s’écraser dans une région peu peuplée. Il n’avait que quelques minutes pour réagir et il s’est conduit avec noblesse.
Il est déçu mais c’est déjà arrivé, et ce jeu commençait à l’ennuyer de toute façon. À les ennuyer tous. C’est sans importance. Ça se termine toujours de la même façon.
La guerre est toujours un puissant indicateur et elle ne manque pas aujourd’hui !