Sans émotion, à quoi bon être humain ?
- Un jour, tu m’as expliqué pourquoi tu avais choisi « Day » comme nom de rue, déclare June sur un ton ferme. Elle pose la main sur la mienne, cachant ainsi l’anneau de fils métalliques tressés. La chaleur de sa peau me coupe presque le souffle.
- Chaque matin, tout redevient possible, hein ?
Day a survécu et, en échange, je dois sortir de sa vie.
Il me regarde comme si j'étais une inconnue, mais il n'y a plus trace de cette douleur et de ce désespoir qui accompagnaient toujours la passion et l'amour que je lisais dans ses yeux.
Il est maintenant libre.
Il est libéré de notre histoire et moi seule continuerai à en porter le fardeau.
Je hurle pour tout ce qui ne s'est pas passé comme prévu. Je hurle pour tout ce qui s'est brisé dans nos vies.
C'est un garçon plein de lumière, de rires et de vie; plein de chagrin, de colère et de passion.
C'est un garçon dont le destin est lié au mien, à jamais.
- Tu me rends fou, June, murmure-t-il dans mes cheveux.
Tu es la personne la plus effrayante, la plus intelligente et la plus courageuse que je connaisse. Parfois, j'ai du mal à garder mon souffle parce-que je fais tellement d'efforts pour rester à ta hauteur. Il n'y aura jamais plus quelqu'un comme toi. Tu le sais, n'est-ce pas ?
J'incline la tête pour le regarder. Ses yeux reflètent les lumières lointaines des JumboTron, un arc-en-ciel de couleurs nocturnes.
- Des milliards de gens naîtront et parcourront ce monde, June, mais il n'y aura jamais plus quelqu'un comme toi.
Je veux réapprendre à te connaître. Si tu es d'accord. Tu es enveloppée dans un brouillard que je veux chasser.
-Tout l'honneur a été pour moi.
Mon coeur se brise en entendant cette voix qui parle sans la moindre tendresse qui se serait manifestée s'il était souvenu. Je ressens l'absence de cet amour douloureux qui m'était si précieux.
Il a disparu.
Je ne me sens tellement pas à ma place ici. Qu'importe combien la République me paye, je serais toujours le garçon des rues.
Et j'avais oublié qu'un garçon des rues n'est pas digne d'un futur princeps.
Je suis en train de mourir. Je suis vraiment en train de mourir. Dans ce genre de moments, je suis heureux d'être loin de June. À l'idée qu'elle me voie ainsi, effondré sur le sol d'une cuisine, sale et en sueur, serrant la main de mon frère comme un bébé... alors qu'elle me contemple, impériale, dans sa robe écarlate, les cheveux parsemés de pierres précieuses... Je vais vous avouer un secret: dans ce genre de moments, je suis soulagé que ma mère, mon père et John ne soient plus là pour assister à ma déchéance.