Zarkane en arriva à la conclusion qu'on ne naissait pas d'un père, mais de plusieurs : celui qui nous fait, celui qui nous abandonne, ou pas, celui qui nous aime, ou pas. Et tous les autres, de substitution, que la vie nous apporte en guise d'attelle. Pour certains, ce sont parfois des mères. Pour d'autres, des frères. Pour d'autres, encore, des dieux.
Elle sourit imperceptiblement. Et cette fois ne put retenir ses larmes. Elle approcha ses lèvres, ferma les yeux et l'embrassa comme jamais on ne l'avait embrassé. Un baisé d'amour et de larmes. Les meilleurs. Chauds. Inoubliables. Avec un goût de sel et d'absolu.
Ainsi, en deux ans de hurlements, de larmes et de sang, son corps se tatoua de dizaines de citatrices. Des dizaines de boucliers pour l'enfer à venir. Des dizaines de garde-fous.
L'honneur, c'est pas comme les allumettes. Ça peut servir deux fois. Une fois pour le perdre, une fois pour le retrouver!
Pressé. Trop. Ce n'est que bien plus tard que je comprendrai qu'il ne suffit pas de remplir les heures pour qu'elles passent moins vite.
Les vengeances ont rarement le goût qu'on leur suppose. Celui-là est aigre-doux. Mais bien plus aigre que doux. Presque écoeurant. Un plat qui se mange froid ? Trop, peut-être.
... Il termina en parodiant Pagnol. Au point où il en était !
- L'honneur, c'est pas comme les allumettes. Ca peut servir deux fois. Une fois pour le perdre, une fois pour le retrouver !
Quand il eut terminé son premier tableau, il contempla cette mer de lavande et de craie, et fut immédiatement pris d'une irrésistible envie de destruction. Pas qu'il trouvait ça raté. Non. Une pulsion euphorique. Le besoin incontrôlable et inexplicable de ne laisser à sa création que la force de l'instant. Créer pour créer. Et refuser les éternités qui clouent les émotions dans des cadres. Il brûla donc sa première oeuvre et en éprouva une intense jouissance. Une sensation de puissance. Il lui sembla même que ce geste avait accéléré sa thérapie. C'était logique. Il redevenait le maître. Avec droit de vie et de mort sur ce qu'il y avait de plus beau en lui.
Le bonheur est une somme. Le malheur, des détails. Quand Zarkane repense aux années de quiétude, c'est comme une nappe blanche dont il ne peut se rappeler chaque broderie. De ses années d'enfer, nappe grise, il se rappelle chaque mauvais pli, chaque tache, chaque accroc. Il en est ainsi de nos mémoires, amnésiques des reliefs du très beau et poinçonnées avec précision de chaque insupportable.
Ce qu’il y a de plus emmerdant dans la solitude, c’est d’attendre quelqu’un. Celles qui n’espèrent personne s’en contentent. Les autres s’en lassent toujours.