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Critique de Charybde2


Une salutaire bouffée d'antidote, aussi drôle que tragique, à la mise en coupe réglée du langage de la « grande économie » déclinée dans nos vies quotidiennes, au service d'une domination sans partage d'élites repues dont la boutonnière craque.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/10/22/note-de-lecture-le-ministere-des-contes-publics-sandra-lucbert/

Comme elle l'avait pratiqué de façon très directe dans « Personne ne sort les fusils » (2020), en exposant à la lumière du procès France Télécom les présupposés les plus immondes de la langue managériale vulgaire, au plus haut « niveau », comme elle le sous-entendait déjà auparavant, de plus d'une manière, en pointant affectueusement certains tics de langage déjà délétères d'une jeunesse culturelle en plein flottement (« Mobiles », 2013), ou en démontant plus agressivement les manipulations autorisées par les nombreux dialectes issus des univers mélangés des start-ups et de l'art contemporain mécanisé (« La toile », 2017), Sandra Lucbert, dans ce « Ministère des contes publics » publié chez Verdier en septembre 2021, s'attaque en beauté et en efficacité au vaste storytelling néo-libéral ayant d'abord infiltré puis conquis sauvagement et sans faire de prisonniers la parole publique, politique et médiatique, permettant in fine toutes les coupes possibles et imaginables dans le vivre-ensemble des moins nantis au nom d'une mystérieuse divinité agissant en mode automatique total, à savoir la dette des pays, incarnation du Mal absolu et de l'absence de vertu.

En jouant avec une immense habileté à la fois de scènes médiatiques captées dans les creux parfois involontaires, malgré tout, de la communication permanente des élites à destination de leurs sujets, et en y insérant une lecture psychanalytique exhumant les actes manqués, les lapsus révélateurs et les rêves délétères qui y sommeillent plus ou moins paresseusement, et en mobilisant avec brio « Alice au Pays des Merveilles », Sandra Lucbert régénère et actualise la sinistre gouaille des banquiers et dirigeants jadis si savoureusement mis en scène (et en vers) par le Frédéric Lordon de « D'un retournement l'autre » (2011), et nous offre, en 120 pages de petit format, une décidément salutaire bouffée d'antidote, urgent, à la mise en coupe réglée du langage, remplaçant à force les cerveaux complexes par des moelles épinières simplifiées résignées à TINA. le langage de la domination est arrogant ou insidieux, pervers ou détestable, mais il percole à gros bouillons dans nos quotidiens et dans nos vies : le cerner dans ses automatismes, le saisir dans ses clichés et ses fausses évidences, c'est se donner des moyens supplémentaires de combattre, et c'est ainsi que ce « Ministère des contes publics » est particulièrement précieux.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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