Les gardiens de l'Ordre Sacré, tome 1 : Le Highlander

Ce dernier ignorait que ses paroles blessaient encore un peu plus le cœur meurtri de celle assise en face de lui.

— Urain, écoute-moi bien, j’ai tellement envie de toi que je déraisonne. Je te veux au point d’en avoir mal, et penser que tu aurais pu appartenir à un autre que moi par ma faute me rend malade, alors je t’interdis de douter de mon désir pour toi. Je te respecte simplement trop pour te prendre avant d’avoir fait de toi ma femme. Peux-tu comprendre ça ? Je fais tout ce que je peux pour tenir cet engagement, mais te voir ainsi, devant moi, t’entendre prononcer ce genre de paroles peut me faire me dédire à tout moment. Alors, je t’en prie, arrête de me torturer de cette manière.

Alastar l’embrassa :
— Je ne désire rien d’autre que vivre en paix à tes côtés et l’élever ici, chez nous sur cette île, lui répondit-il, en posant une main sur son abdomen.
Il attira ensuite Urain jusqu’à lui et la plaça de sorte qu’elle se retrouve à califourchon sur lui, car, la sachant enceinte, il craignait d’écraser son ventre, trop effrayé à l’idée de faire du mal à leur enfant.
Avec une infinie douceur, il la caressa sans jamais la quitter des yeux et la pénétra pour leur plus grand plaisir à tous les deux. Urain se mit à onduler du bassin, provoquant les halètements de son amant sous elle. Elle attrapa ses mains pour les plaquer contre le matelas de part et d’autre de son visage, transformé par la force de son désir pour elle. Ils entrelacèrent leurs doigts, leurs regards enfiévrés toujours rivés l’un à l’autre, en se mouvant dans une danse sensuelle qui ne cessait de leur arracher des gémissements. Puis Alastar cria son nom et elle se laissa emporter par le même tourbillon puissant.

— Il faudra que tu remettes en question ce qu’on t’a enseigné dans ton ancienne vie, tes croyances. Ce que j’ai à te dire, ce que je vais t’apprendre te bouleversera certainement, mais t’émerveillera par la même occasion. Comme tu le sais, notre mission est de protéger la frontière. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à y être attentifs. Les Autorités Supérieures le sont également. Elles n’interviennent qu’en de rares cas, mais c’est à chaque fois impressionnant. Elles ne le font que lorsque les actions des uns ou des autres menacent la sécurité des terres féeriques.

Trop occupé à massacrer son adversaire, Alastar n’avait pas vu que cette partie du champ de bataille s’était vidée ; les Berserkers, délivrés de la magie les contraignant à combattre, avaient fui. Ses autres frères de l’Ordre, y compris Goren, l’encerclaient, la mine grave. Il les regarda, l’air absent. Lorsqu’il avait vu les griffes de la créature s’abattre en un geste fatal sur son chef, il avait été comme happé par une transe meurtrière. Le visage maculé de sang, il s’avança en direction du corps d’Elias et se laissa tomber à genoux devant. Les gardiens placèrent leurs sabres au-dessus de leur tête et se mirent à crier la devise de l’Ordre Sacré, dans la langue maternelle d’Alastar, afin de rendre hommage à leur frère mort et à celui qui l’avait vengé. Goren les imita tout en observant Alastar avec attention.

Son père lui avait appris qu’au terme de la période de deuil, il annoncerait ses fiançailles avec Nevris d’Urion. Il fallait, selon lui, consolider le trône fragilisé par une union avec un clan fort et respecté. De l’autre côté, le chef de la famille Torgen était ivre de rage, car le mariage de Rivel et de sa fille n’avait pas donné naissance à un héritier et, malheureusement pour lui, Raf’ le patriarche n’avait eu que deux enfants : Etain et sa sœur Torvy, qui était un peu plus jeune que Romann.
Tout comme son frère aîné, Ewen commençait à exécrer ces petites manœuvres politiciennes, entre calculs et intrigues. Comment allait-elle pouvoir survivre à tout ça ? Rivel était parti rejoindre leur mère et Surron s’éloignait d’elle un peu chaque jour, pensant agir pour son bien. Désespérée, Ewen frappa son crâne contre le mur à s’en faire mal.

— Je ne sais pas si je serai assez forte. Deux personnes que j’aime m’ont quittée : mon frère, Rivel et Surron, mon…
— Il est mort ?
Ewen secoua la tête :
— Non, mais il prétend s’éloigner pour mon bien.
— Je crains de ne pas comprendre, répondit la fée, choquée.
— Je suis princesse et lui, simple guérisseur. Notre différence de rang, ce que pensent les autres, tout cela n’a pas d’importance pour moi, mais lui ne semble pas vouloir se battre contre les traditions. Il dit que c’est son devoir de renoncer à moi. Mon père a prévu de me fiancer au fils d’une famille noble et puissante. Un mariage pour conforter le trône. Mon frère s’y était opposé de son vivant, il a lui-même souffert de ce système d’alliance matrimoniale et, moi, je refuse d’être livrée en pâture à un clan ambitieux, juste pour un jeu de pouvoir.

— Père ! Des Sgian-Dhubs ?
Angus hocha simplement la tête, attendant qu’Alastar finisse son observation. Le jeune guerrier fit glisser ses doigts le long du manche admirablement travaillé. Une inscription avait été minutieusement sculptée entre les entrelacs vikings formant le motif présent : an onoir, a’ mhisneach, an gaol agus a’ phròis.
— L’honneur, le courage, l’amour et la fierté, récita-t-il, à haute voix.
Il leva enfin les yeux vers son chef et accrocha son regard. Celui-ci fit mine de réfléchir un court instant.
— Les quatre choses que tu ne devras jamais perdre de vue, Alastar. Souviens-toi de cela toute ta vie et puisse celle-ci être longue, mon fils, je te le souhaite du plus profond de mon cœur, dit-il, visiblement ému. »

Je sais ce que tu as au fond de ton cœur, Alastar. Un jour, et j’en suis intimement convaincu, tu seras le grand guerrier que tu rêves d’être. Mais, sois juste et agis toujours avec mesure. Les hommes portent en eux le poids de leurs péchés. Fais en sorte que les tiens n’alourdissent pas tes épaules, au point de ne plus trouver la force de te relever. Tu as la volonté et la ténacité d’un MacKinnon.