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Critique de Oliv


L'un des plus grands penseurs de tous les temps (Aristote) fut durant plusieurs années le professeur particulier d'un des plus grands conquérants (Alexandre). Ceci n'est pas une facétie d'écrivain, mais un fait historique, qui sert de base au roman d'Annabel Lyon. La couverture de l'édition de poche représentant la fameuse mosaïque de la bataille d'Issos est trompeuse : Alexandre n'est ici qu'un personnage secondaire, le devant de la scène étant occupé par Aristote. le roman s'attache à suivre les pas du philosophe, de sa rencontre avec Philippe de Macédoine à son rôle de précepteur à la cour de Pella.

La narration à la première personne, l'usage du présent, le style vif et sans fioritures (rendant même certaines scènes un peu brouillonnes à force de concision) annoncent la couleur : il s'agit de parler à un large public moderne, et non à un cercle restreint d'érudits. Aristote fréquente les puissants, il est au coeur des soubresauts politiques de son temps, il assiste à la bataille de Chéronée, mais le tout est entrecoupé d'épisodes de la vie quotidienne destinés à humaniser le personnage célèbre, à le rendre plus proche de nous : Aristote va au théâtre, Aristote devient papa, Aristote achète puis vend une esclave... Toujours dans l'idée de proximité entre les protagonistes antiques et le lecteur d'aujourd'hui, l'auteure fait usage dans ses dialogues de "merde!", "putain!" et autres "casse-couille", un parti-pris qui peut surprendre mais qui se défend : après tout, il n'y a aucune raison de croire que les anciens Grecs s'exprimaient au quotidien comme dans une tragédie d'Eschyle. Plus gênante est la multiplication de termes évoquant des contextes étrangers à la Grèce antique. Exemples parmi d'autres, la "file indienne" qui renvoie à d'anachroniques Amériques, ou les mesures en mètres qui n'ont pas lieu d'être avant 1791... C'est le genre de détails fâcheux qui empêchent d'entrer totalement dans l'univers mis en place par l'auteure.

Ce récit mettant en scène une personnalité de l'antiquité sur fond de philosophie pourrait faire penser, à première vue, aux "Mémoires d'Hadrien". Pourtant on est ici très loin de la complexité et de l'envergure du roman de Marguerite Yourcenar. Toute comparaison ne peut que mettre en évidence l'océan qui sépare un chef-d'oeuvre intemporel d'un simple succès de librairie. D'ailleurs le juste milieu qui donne son titre au roman d'Annabel Lyon peut-être vu comme le point d'équilibre nécessaire à la conception d'un best-seller du roman historique : un peu de science et de philosophie mais pas trop, pour donner au lecteur l'impression de réfléchir sans que ce soit assommant ; un peu d'histoire antique mais pas trop, pour donner au lecteur l'impression de se cultiver sans se noyer dans l'érudition... Et au final, pour qui a la prétention de décerner une notation à ses lectures, celle-ci ne vaut sans doute pas beaucoup mieux que le juste milieu : la moyenne, ni plus, ni moins.
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