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EAN : 9782070450480
416 pages
Gallimard (21/03/2013)
3.6/5   46 notes
Résumé :
Ce roman relate la rencontre à Pella, en 342 avant Jésus-Christ, entre Aristote et celui qui deviendra Alexandre le Grand, auquel il enseigne l’éthique, la politique et la métaphysique alors que ce dernier n’est qu’un adolescent.
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Annabel Lyon nous plonge dans le récit romancé de la vie d'Aristote, philosophe ô combien célèbre mais dont on ignore souvent beaucoup de son héritage. L'auteur se concentre sur la période qu'il a passé à Pella en Macédoine, à la cour de son vieil ami le roi Philippe. Il y a été précepteur de son fils Arrhidée d'abord, puis d'Alexandre. L'histoire revient également sur son enfance et sur sa vie post-Alexandre mais de façon plus succincte. Aucun détail ne nous est épargné. de sa vie sexuelle à ses réflexions philosophiques, l'auteur nous propose un savant mélange de tous les pans de son existence.

L'auteur avoue de plein gré avoir transgressé la réalité historique à plusieurs reprises. Elle a notamment créé plusieurs personnages à partir de sa seule imagination. Elle a également altéré la réalité pour coller à son récit en inventant un voyage ou en supprimant un compagnon. le fait que ce soit inscrit en toute fin d'ouvrage m'a un peu déçue. J'aurai aimé le savoir en commençant ma lecture pour savoir à quoi m'en tenir. Mais ça ne me dérange pas outre mesure. Ce que l'on sait de la vie d'Aristote comporte elle-même des lacunes et des incohérences. Donc prendre des partis pris paraît être une évidence. Ici, j'ai eu un peu l'impression d'être trompée sur la nature du contenu. Il est bien évident que c'est un ouvrage très bien documenté quand même, avec une bibliographie pertinente faute d'être prolifique.

L'intérêt de cet ouvrage n'est sans nul doute pas de lire un péplum ou un essai philosophique. C'est un roman fait pour divertir. Tout l'enjeu réside en la description de moeurs, des coutumes, du fonctionnement sociétal et de l'évolution de la pensée. On y découvre de façon fort réaliste la place des femmes et des enfants au sien de la familia et les différents statuts de servante et d'esclave. On en apprend plus sur la médecine antique et les rapports entre les corps de l'homme et de la femme. Tout cela est amené sur un fond de politique et de conflit entre Athènes et Pella. On assiste à des bouleversements géopolitiques mais cela reste en arrière fond. L'auteur se concentre plus sur l'aspect sociétal que politique même si les deux sont bien sûr intrinsèquement liés en Grèce Antique.

Le style se veut proche du lecteur, à la limite de la vulgarité fréquemment pour donner une touche moins antique à ce récit d'un autre temps. Difficile de croire que les dialogues entre philosophes prenaient cette forme. En voulant rendre son texte plus accessible aux lecteurs lambdas, j'ai un peu peur que l'auteur ait dénaturé la façon de s'exprimer des Anciens.

J'ai soulevé plusieurs points qui m'ont gênée. Je garde cependant un excellent souvenir de ce roman. Il vous transporte dans une autre époque. Tous les éléments sont réunis pour qu'on s'imprègne de cet univers. On nous présente des personnages attachants, surtout Arrhidée, dont j'ignoré l'existence avant ma lecture. C'est au début un petit garçon atteint d'une forme de retard mental semble-t-il. Il aurait hypothétiquement pu avoir été empoisonné par sa belle-mère pour que le trône lui échappe. Aristote va le prendre sous son aile, l'aider à progresser mentalement et physiquement quand son garde-malade le traitait jusque là comme un idiot. Il va devenir un homme assez fort pour diriger (avec un peu d'aide) un royaume. Son parcours touche, émeut. Il paraît incroyable qu'il est réussi à s'en sortir aussi bien dans un monde où la virilité et la force sont des caractéristiques indispensables à un homme.

Ce roman est également porté par trois personnages féminins hauts en couleur. Tout d'abord, nous avons Pythias, la première femme d'Aristote. J'ai ressenti énormément de pitié pour elle tout au long du roman. Faiblesse et courage seraient deux adjectifs qui la caractériseraient à merveille selon moi. Elle est partagée entre culpabilité de ne pas pouvoir donner un enfant à son mari au début et son devoir de soumission. On sent quand même les prémisses d'une volonté d'émancipation de la femme, avec son désir de faire des femmes des citoyennes et d'avoir des droits au sein de la familia. Ensuite, il y a Athéa, une femme tout à fait capable mais que sa condition asservie. Elle est plus intelligente que bien des hommes, a un fort caractère mais ne peut échapper aux traditions antiques. Enfin, on rencontre Herpyllis, d'abord servante puis épouse d'Aristote. Elle a aussi un sacré caractère et est source de savoir pour le philosophe. Ces figures sont les piliers du roman pour tout ce qu'elles nous apprennent sur cette société.

Au contraire, Alexandre est apparu comme un gosse pourri-gâté, colérique et égoïste. Je lui connaissais déjà ce caractère mais jamais auparavant, je ne l'avais détesté comme ça. On peut expliquer ce comportement par le fait qu'il est fils de roi, certainement qu'il était toujours comme ça. Il est l'antagoniste d'Arrhidée. C'est lors de ses leçons avec Aristote qu'il va développer son goût pour l'Orient et les voyages. Il est inexorablement attiré par l'exotisme. Globalement, l'auteur a échoué à rendre ce personnage réaliste. Les traits d'Alexandre sont caricaturés au possible, sans nuance ni subtilité.

> Après quelques jours à repenser à cette lecture, je me vois contrainte de nuancer mon enthousiasme premier. Si je ne dénigrerai pas la qualité de l'histoire qui vous transporte sans mal en Grèce Antique, je suis plus septique quand au rendu de l'authenticité de cet ouvrage. A vous maintenant de vous faire votre propre idée!

Lien : http://mariae-bibliothecula...
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J'avais repéré ce livre bien avant sa sortie grâce au formidable travail de Ys sur le site News Book. Une fois arrivé sur les étals des librairies, je me contentais, à grand regret, de caresser sa couverture du bout des doigts en espérant qu'un jour peut-être je pourrais me plonger avec délice entre ses pages. Eh oui … mes finances ne me permettent pas souvent l'achat de livres brochés et la rentrée littéraire est, pour cette raison, toujours pour moi un moment d'intense frustration.
Mais voilà que Babelio lance son opération Masse Critique et là que vois-je ? Mon livre tant désiré est dans la liste. Ni une ni deux je postule. Et je ne postule que pour ce titre. Je le veux et je mise tout sur lui. Tant pis pour les autres titres qui m'intéressent aussi.
Quelques jours plus tard, alors que je rends visite à mon doudou d'amour, je consulte ma boîte mail et j'apprend à ma grande joie que ma candidature est retenue et que je vais donc recevoir le juste milieu d'Annabel Lyon.

Mais pourquoi CE livre en particulier me demanderez-vous ?
Eh bien d'abord parce qu'il s'agit d'un roman historique et que je suis passionnée d'Histoire.
Et aussi parce qu'il traite (secondairement certes mais c'est toujours ça) de mon personnage historique préféré, adulé, chéri d'entre tous : Alexandre le Grand.

Le juste milieu est en réalité une biographie romancée du célèbre Aristote se concentrant essentiellement sur la période qu'il a passée en Macédoine comme précepteur du jeune Alexandre. le récit se fait à la première personne et nous happe totalement nous plongeant en pleine Macédoine antique.
Le style est agréable, posé, quelques fois ponctué de mots vulgaires que j'ai trouvé déplacés. Enfin … disons que mis dans la bouche des Macédoniens, je peux comprendre que l'auteur ait souhaité marquer le contraste entre le côté rustre et grossier des moeurs macédoniennes par opposition au raffinement et à la sophistication des moeurs grecques. Mais des grossièretés mises dans la bouche d'Aristote, ça m'a gênée. Mais je précise bien qu'elles sont très ponctuelles, c'est d'autant plus dérangeant car pas en accord avec le ton et le style employé dans la majorité du récit.
Je vous rassure, j'ai commencé par un point négatif mais c'est le seul reproche que j'ai à faire à ce roman.
En vérité, je l'ai adoré et ça a été un véritable coup de coeur.
Je craignais que l'auteur insiste trop sur les théories philosophiques d'Aristote mais il n'en est rien. Les passages où il donne des leçons à Alexandre sont finalement peu nombreux et très clairs et ne sont pas sans pousser le lecteur à la réflexion. L'essentiel du récit se concentre principalement sur la propre formation d'Aristote et sur sa vie privée. le cadre évènementiel est très présent et bien expliqué, les descriptions des personnages et de leur caractère sont réalistes et en accord avec ce qu'en dit la recherche historique. J'ai apprécié que l'auteur précise en fin d'ouvrage les éléments purement fictionnels et les « aménagements » faits à l'Histoire pour les besoins du récit.
J'ai l'impression, à la sortie de cette lecture, de mieux connaître Aristote. Il n'est plus pour moi le simple philosophe que tout le monde connaît mais un être humain qui a vécut, grandit, ressentit, aimé.
J'ai vraiment apprécié de voir revivre sous la plume d'Annabel Lyon ces grands personnages de l'Histoire que furent Aristote, Philippe de Macédoine, Platon et bien sûr Alexandre. Elle a su recréer avec intelligence ce qu'ont pu être les rapports entre Aristote et le jeune futur conquérant ainsi que l'influence que le précepteur a pu avoir sur son prestigieux élève.

Un petit extrait :

« « Non, dis-je, un roi doit toujours s'exprimer clairement.
- Parler, parler, parler… J'en ai assez ! Assez des leçons, de la diplomatie, assez de rester au palais pour charmer les dignitaires de passage à la cour de mon père. Savez-vous ce que Carolus m'a appris ? Il m'a dit qu'il n'y avait jamais aucune vérité dans les mots, mais seulement dans le corps. Il dit aussi que dès qu'un personnage parle, c'est pour dissimuler ce qu'il veut vraiment dire. Les mots sont la surface sous laquelle il faut regarder. Il dit que les meilleurs acteurs sont ceux qui parlent avec leur corps, et qu'on se souvient davantage de leurs gestes que des mots qu'ils prononcent.
- J'imagine qu'il parlait du théâtre … »
J'imagine que ce qu'il voulait, c'était mettre le garçon à quatre pattes.
« Il parlait de la vie. Nous sommes tous plus vrais par le corps que nous ne pourrons jamais l'être par la parole.
- J'aimerais beaucoup voir Carolus exprimer un théorème pythagoricien sans aucun recours à la parole …
- J'ai envie de me battre. » »

Bref, je loue le remarquable travail de recherche et d'écriture qu'a effectué Annabel Lyon et je conseille vivement ce roman.
Et je remercie infiniment Babelio et les Editions La Table Ronde pour m'avoir permis cette découverte.
Lien : http://booksandfruits.over-b..
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L'histoire nous conte un épisode de la vie d'Aristote, figure de proue de la pensée antique. Accompagné de son épouse, de son neveu et de sa suite, le philosophe marche d'est en ouest, abandonnant les charmes de l'Orient pour traverser les mornes contrées de la Macédoine. Pour ses compagnons ce voyage symbolise l'exil ; la grisaille vient recouvrir d'une chape de plomb et étouffer les parfums et senteurs de jadis. En ce pays rustre, Aristote retrouve son ami d'enfance le roi Philippe, personnage effacé qui lui prête beaucoup d'affection. Aristote est sollicité pour devenir le précepteur du jeune et pétillant fils cadet du roi– futur Alexandre le Grand. C'est de cette rencontre que le philosophe comme l'adolescent, à la croisée des routes d'un monde en changement, apprendrons l'un de l'autre.
Les échanges se déroulent la plupart du temps dans un registre partagé entre didactique professorale et familière vulgarité. Les relations entre les différents personnages nous informent sur les normes sociales de la société dépeinte. Ainsi la femme d'Aristote est soustraite aux regards étrangers de par son statut de femme d'honneur et le prestige de son rang, mais n'en joue pas moins un rôle essentiel en privé dans l'équilibre de son époux.
Aristote porte également son affection sur le frère ainé d'Alexandre. Déficient mental, ce dernier vit reclus, incapable de se défendre face aux préjugés d'une époque qui, de par sa condition intellectuelle, ne lui offre aucunes perspectives d'épanouissement. Aristote tente alors, tant bien que mal, d'améliorer son sort en tirant parti de la passion du jeune patient pour les chevaux.
On ressort de cette lecture pensif et agréablement surpris de la réussite de l'auteur à figer dans l'encre l'atmosphère propre à l'Antiquité alexandrine. On regrettera malgré tout le style parfois peu en harmonie avec le sujet et certaines libertés prises avec l'histoire.


Merci aux éditions de la Table Ronde et à Babelio.
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L'histoire, elle est racontée à la première personne par Aristote lui-même et s'attache principalement aux sept années qu'il a passées à la cour de Macédoine à transmettre son savoir à Alexandre, l'héritier de Philippe II de Macédoine. Pourtant, Alexandre n'est pas le fils aîné du roi, mais une maladie a rendu idiot son demi-frère, Philippe Arrhidée, qui vit, livré à lui-même et à la surveillance de son garde-malade, complètement exclu de la succession car lui manquent les qualités essentielles pour s'asseoir sur le trône de Macédoine : des talents guerriers et la capacité de tenir à cheval.
J'ai d'ailleurs trouvé passionnants les passages avec Arrhidée, l'approche choisie par Aristote pour apprivoiser à la fois cet élève mentalement retardé, ainsi que son garde-malade, le faire progresser malgré son handicap et les préjugés des autres.
Nous assistons également aux leçons données à Alexandre, leçons variées touchant aussi bien à la biologie qu'à la métaphysique ou à la littérature. Car Aristote est un touche-à-tout brillant, qui passe son temps à observer tout ce qui l'entoure et à analyser chaque situation. Pourtant, il a bien du mal à discipliner la fougue de cet élève intelligent mais un brin arrogant, dont le goût pour le morbide est parfois inquiétant. Leurs dialogues laissent deviner le destin de ce futur conquérant qui a une vision bien précise sur la position que l'on doit adopter envers les peuples vaincus, sur son désir de syncrétisme; les dispositions intellectuelles et morales qui se dessinent chez Alexandre donnent un aperçu sur l'adulte ambivalent qu'il sera. Aristote tente de surcroît de tempérer ses aspirations à la gloire en lui parlant du "juste milieu", le point d'équilibre. "Ce point, lui explique le philosophe, différera d'un homme à l'autre. Il n'existe pas de norme universelle de la vertu qui s'appliquerait à toutes les situations, tout le temps. le contexte doit être pris en compte, la spécificité, ce qui est le mieux à tel endroit, à tel moment". (page 275-276)

Mais le livre ne fait pas qu'aborder l'enseignement dispensé aux deux princes. Il traite également de la complexité des rapports entre les hommes, selon leur statut social, selon leur sexe.
Tout d'abord, les relations maître/esclaves. Même si le maître éprouve un certain attachement vis-à-vis- de ses esclaves, qui font partie selon Aristote de la famille, la menace pèse toujours sur eux d'être revendu à un marchand d'esclaves, le philosophe n'hésitant d'ailleurs pas à se défaire de l'esclave favorite de sa femme qui s'est montrée trop insolente.
Concernant, les relations maître/élève, celles-ci se révèlent ambigües. Aristote méprise le précepteur que son père lui a donné adolescent, mais on ressent également chez lui une certaine fascination. de plus, une trop grande complicité peut amener un rapprochement moins innocent. Ainsi, Lysimaque crève de jalousie sur le fait supposé qu'Aristote et Alexandre puissent être amants : "Je le baiserais volontiers. Il sent tellement bon... Vous l'avez fait, déjà ? "(page 224) le provoque-t-il pour en savoir davantage sur la nature réelle des liens qui unissent Aristote à Alexandre. Tout comme dans le flashback nous transportant à Athènes au temps de ses études à l'Académie où ses camarades jalousent Aristote et l'attirance (intellectuelle ? amoureuse ?) que Platon semble éprouver à son égard.
Les rapports entre époux sont également ambivalents, oscillant entre devoir et tendresse. Bien difficile de démêler lequel prime sur l'autre...
Pour ce qui sont des rapports princes/serviteurs, malgré le respect qui peuvent les définir, l'amitié véritable est impossible, car l'égalité entre eux n'existe pas.

D'une manière générale, l'auteure sait distiller à merveille des détails réalistes sur le quotidien de ces Grecs de l'Antiquité, avec en arrière-plan les relations tendues, conflictuelles entre Philippe de Macédoine et les cités de la Grèce, nous immergeant complètement dans cette époque lointaine.

Par contre, quelques points négatifs ressortent de ma lecture.
Tout d'abord, le style d'écriture m'a un peu déroutée au début. C'est écrit à la 1ère personne du singulier et au présent de l'indicatif, dans un registre parfois familier (même si je sais à travers les pièces d'Aristophane que les Grecs pouvaient parler vulgairement ! ^^).
De plus, j'ai été un peu perdue par les dialogues où les interlocuteurs sont parfois difficilement identifiables, si bien que j'étais obligée de relire certains passages pour comprendre qui parlait !

Malgré ces toutes petites réserves, j'ai été enchantée par ma lecture qui a passé à une vitesse folle. Paradoxalement, j'y suis restée comme extérieure : cela tient sûrement à la personnalité même du personnage central, Aristote, qui paraît assez froid, obsédé par sa manie de tout observer, tout disséquer : cela donne lieu d'ailleurs à des scènes décalées, car le philosophe s'adonne à son goût de l'analyse pendant même qu'il fait l'amour avec sa femme !
Bref, un livre passionnant, où les leçons données par Aristote ne sont pas du tout rébarbatives mais au contraire vivantes et captivantes.
Je le relirai avec beaucoup de plaisir...
Lien : http://parthenia01.eklablog...
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L'un des plus grands penseurs de tous les temps (Aristote) fut durant plusieurs années le professeur particulier d'un des plus grands conquérants (Alexandre). Ceci n'est pas une facétie d'écrivain, mais un fait historique, qui sert de base au roman d'Annabel Lyon. La couverture de l'édition de poche représentant la fameuse mosaïque de la bataille d'Issos est trompeuse : Alexandre n'est ici qu'un personnage secondaire, le devant de la scène étant occupé par Aristote. le roman s'attache à suivre les pas du philosophe, de sa rencontre avec Philippe de Macédoine à son rôle de précepteur à la cour de Pella.

La narration à la première personne, l'usage du présent, le style vif et sans fioritures (rendant même certaines scènes un peu brouillonnes à force de concision) annoncent la couleur : il s'agit de parler à un large public moderne, et non à un cercle restreint d'érudits. Aristote fréquente les puissants, il est au coeur des soubresauts politiques de son temps, il assiste à la bataille de Chéronée, mais le tout est entrecoupé d'épisodes de la vie quotidienne destinés à humaniser le personnage célèbre, à le rendre plus proche de nous : Aristote va au théâtre, Aristote devient papa, Aristote achète puis vend une esclave... Toujours dans l'idée de proximité entre les protagonistes antiques et le lecteur d'aujourd'hui, l'auteure fait usage dans ses dialogues de "merde!", "putain!" et autres "casse-couille", un parti-pris qui peut surprendre mais qui se défend : après tout, il n'y a aucune raison de croire que les anciens Grecs s'exprimaient au quotidien comme dans une tragédie d'Eschyle. Plus gênante est la multiplication de termes évoquant des contextes étrangers à la Grèce antique. Exemples parmi d'autres, la "file indienne" qui renvoie à d'anachroniques Amériques, ou les mesures en mètres qui n'ont pas lieu d'être avant 1791... C'est le genre de détails fâcheux qui empêchent d'entrer totalement dans l'univers mis en place par l'auteure.

Ce récit mettant en scène une personnalité de l'antiquité sur fond de philosophie pourrait faire penser, à première vue, aux "Mémoires d'Hadrien". Pourtant on est ici très loin de la complexité et de l'envergure du roman de Marguerite Yourcenar. Toute comparaison ne peut que mettre en évidence l'océan qui sépare un chef-d'oeuvre intemporel d'un simple succès de librairie. D'ailleurs le juste milieu qui donne son titre au roman d'Annabel Lyon peut-être vu comme le point d'équilibre nécessaire à la conception d'un best-seller du roman historique : un peu de science et de philosophie mais pas trop, pour donner au lecteur l'impression de réfléchir sans que ce soit assommant ; un peu d'histoire antique mais pas trop, pour donner au lecteur l'impression de se cultiver sans se noyer dans l'érudition... Et au final, pour qui a la prétention de décerner une notation à ses lectures, celle-ci ne vaut sans doute pas beaucoup mieux que le juste milieu : la moyenne, ni plus, ni moins.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Et j'ai plissé les yeux pour cesser de voir toute la périphérie : la saleté, la maladie, les hommes privés d'art, de mathématiques et de musique civilisée, assis le soir autour du feu, marmonnant dans leur langue si laide, mangeant leur nourriture infâme, ruminant leurs idées d'animaux à jambes courtes : manger, baiser et chier. Des gens sales, serviles, barbares. Je raconte tout cela au prince, lui enseigne ce que je sais vrai sur cette terre qu'il idéalise tellement.
«Vous savez ce que je ferais, moi ?» Il s'es redressé sur un coude. «Je m'assoirais devant leurs feux, j'écouterais leur musique, je mangerais leur nourriture et je porterais leurs habits. J'irais avec leurs femmes.»
J'entends rougir sa voix, bien que je ne distingue pas son visage. «Aller avec» : quel charmant euphémisme dans la bouche d'un vigoureux garçon de Macédoine. Il aime Héphaïstion.
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Tu confonds plaisir et bonheur, le vrai bonheur qui dure. Quelques frissons, quelques émotions. Ta première femme, ton premier éléphant, ton premier plat épicé, ta première gueule de bois, ta première ascension d’une montagne que personne n’a jamais conquise, et ta première vue depuis le sommet, sur l’autre versant. Tu veux assembler, comme les perles d’un collier, une vie de plaisirs éphémères.

(p. 312)
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J'avais trouvé une prostituée de mon âge, à peu près quinze ans à l'époque, dont le visage s'était ouvert quand je l'avais approchée, puis refermé quand j'avais expliqué la situation. Elle m'avait dit que la pièce n'était pas suffisante. j'avais fait volte-face pour m'en aller.
"Pas suffisante pour ce vieux sac de sang, je veux dire. Pour toi, ça suffira.
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"Tu es déjà bien avancé sur le chemin qui mène à ce que je suis . Je pensais simplement que cela t'ennuyait."
Et à ma grande honte, c'était vrai .
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Nous perdons notre temps, ensemble. Tu voudrais rejoindre l’armée, et j’aimerais rejoindre Athènes pour y écrire des livres. Hélas, nous en sommes réduits l’un et l’autre à nous tenir compagnie. Pourquoi ne pas tirer le meilleur parti d’une situation déplaisante, et terminer au plus vite cette leçon, afin
de pouvoir retourner à nos quêtes respectives ?
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