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Critique de la_chevre_grise


Il faut d'entrée de jeu que je vous dise : je fais partie de ceux qui n'ont pas, encore, lu le juste milieu. Et je me dis, à la lecture de ce roman, que cela m'a probablement manqué. Non parce qu'il s'agirait d'une suite étroitement liée, pas du tout. le roman se tient parfaitement par lui-même. Mais j'ai un peu le sentiment d'avoir lu un roman qui ne se comprendrait totalement que par le tout qu'il forme avec son prédécesseur. Comme si je ne voyais qu'une seule facette d'une pièce : aussi intéressante soit cette facette, une pièce est composée de deux faces qui définissent cet objet. Une seule face n'est pas suffisante.

Ce roman est centré sur une femme, et pas n'importe laquelle, rien de moins que la fille d'Aristote, Pythias. Il semble qu'on ne connaisse véritablement pas grand-chose à son sujet : ayant reçu une bonne éducation de son père et mariée trois fois, dont la première par la volonté de son défunt père qui aura couché le nom de son époux sur son testament. Alors Annabel Lyon imagine les difficultés à s'intégrer que peut rencontrer une fille, éveillée aux plus hauts principes de philosophie, dans un monde pensé par et pour les hommes.

Jeune fille, Pythias suit son père dans ses discours, bénéficie d'un accès à un savoir inimaginable. Devenue femme, elle est immédiatement rejetée par ce père qui l'aime pourtant tendrement. Comme si le statut de femme la rendait forcément inférieure et indigne des sciences qu'on lui montrait jusque là. Mais c'est trop tard. Son esprit est déjà corrompu par cette liberté et cette curiosité qui ont été éveillées ; elle sait, parfois mieux qu'un homme. Comment entrer dans le moule ensuite et accepter les conventions ? Tenir une maison, être une bonne épouse, donner des enfants, se contenter du peu accordé aux femmes à cette époque : quelques métiers leurs sont réservés et elles peuvent y exercer un pouvoir certain, mais à quel prix.

Comme son père lui a lui-même enseigné, la théorie n'est rien sans la pratique. Elle va donc se confronter à la réalité, tenter de faire son propre chemin, seule, de trouver une place dans ce monde dont elle a été jusque-là protégée. J'ai trouvé qu'il était parfois difficile de suivre Pythias dans ses tentatives de trouver sa voie : prêtresse, sage-femme ou prostituée, on passe un peu trop vite d'une tentative à l'autre, sans forcément comprendre le cheminement de la jeune femme. C'est d'autant plus étonnant que, avant la mort d'Aristote, tout est plus explicite. A croire que l'auteur essaie de nous faire ressentir par ce biais les doutes qui saisissent son personnage. Mais ce n'était peut-être pas le meilleur moyen de les souligner.

Au bout du chemin, Pythias comprendra que les femmes ne sont peut-être pas aussi opprimées qu'elle le croit. A s'exercer discrètement, leur pouvoir existe pourtant bel et bien. A elle de s'entourer des bonnes personnes, de celles qui lui laisseront exprimer ses talents sans lui reprocher son statut de femme. Sa liberté, à être moins évidente, pourra toutefois s'exprimer, autrement.

La plume d'Annabel Lyon m'a rappelé celle de Leonor de Récondo dans son Pietra Viva. Un style moderne propre a évoqué les riches heures d'antan, celles qui sont le creuset de notre monde moderne, celles qui ont nourri et construit notre vision actuelle du monde. On sent la chaleur de l'été grec, le sable sous les pieds, la fraicheur des temples, l'importance des déesses, la fragilité des êtres, leur quête de transcendance. Il me manque maintenant l'aspect masculin de ce tableau sur l'Antiquité grecque. Ce deuxième volet qui permettrait avec ce roman de former un tout. D'où le besoin que je ressens de découvrir le juste milieu, qui semble décrire le quotidien des hommes, en se basant sur le personnage peu ordinaire du futur Alexandre le Grand. En dehors de ce sentiment d'incomplétude que j'ai ressenti, ce roman est vraiment intéressant et riche en découvertes sur un temps assez rarement utilisé en littérature.

Lien : http://nourrituresentoutgenr..
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