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Citations sur La mendiante de Shigatze (6)

Quand les cimes enneigées et lumineuses plongèrent à la renverse dans les eaux couleur de ciel, j'eus brusquement envie de serrer quelqu'un dans mes bras.
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[...] ... Le crâne de Sangsang Dzassi [l'héroïne de la nouvelle] est aujourd'hui entre mes mains. Je l'ai acheté à un homme dont le grand-père, disait-il, avait étudié en son jeune âge la magie au collège de médecine du monastère de Danba. Le crâne de Dzassi était exposé dans la salle des dieux, comme un objet de culte divin. On l'utilisait lors des cérémonies de l'Ultime Aspersion. Cette calotte crânienne transformée en bol a la couleur du cuivre. L'os est fêlé du côté gauche depuis qu'il est tombé par terre, il y a bien longtemps si l'on en juge par la crasse grasse qui s'y est déposée. La scissure de la voûte du crâne a le zigzag d'un électrocardiogramme, ce qui, selon un médecin de mes amis, est caractéristique du crâne d'une femme avant la puberté. Le bord de ce bol fait d'un crâne humain est serti d'un anneau de cuivre et l'intérieur est recouvert d'une feuille de métal.

Le vendeur m'en demandait cinq cents yuans mais je l'ai obtenu pour cent yuans. Si l'un de vous a des dollars dont il ne sait que faire, nous pouvons peut-être nous entendre, si votre offre me permet de couvrir les frais de ma prochaine expédition dans le Nord-Est ...
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[...] ... La famille du défunt garde le cadavre sous son toit trois jours durant ; puis le mort est acheminé à dos d'homme jusqu'au cimetière céleste. Pendant le trajet, le porteur ne doit, à aucun moment, regarder en arrière ; à la sortie du village et à chaque carrefour, on brise une jarre d'argile rouge pour empêcher l'âme du mort de revenir tourmenter les vivants. Un maître de cérémonie allume des feux d'encens ; les plus fortunés font venir des lamas qui récitent des mantras pour élever les mérites du défunt jusqu'au royaume de Bouddha. Ils espèrent ainsi obtenir sa réincarnation dans la Roue de la Vie ou la vie éternelle dans le royaume de Bouddha. Le maître de cérémonie procède au dépeçage du cadavre. Ensuite il broie les os avec un marteau de fer pour les réduire en pâte. Quand il s'agit d'os tendres (des os d'enfants, par exemple), il ajoute de la tsampa (= farine d'orge, ordinairement consommée mêlée au thé salé et au beurre de yack) à cette pâte afin de l'épaissir avant de la donner en pâture aux vautours. On reconnaît les morts bouddhistes au signe propitiatoire incisé sur leur poitrine. La remise de la peau du crâne à la famille du mort clôt les funérailles. Les relations avec le défunt se poursuivent ensuite par des dons d'encens et des prières aux bouddhas. ... [...]

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[...] ... J'ai tété ma mère jusqu'à l'âge de quatorze ans. Son lait ne s'était pas tari. Mon père avait été tué pendant le soulèvement contre les Chinois. Dans nos steppes, il n'y a pas grand monde, tu verras quand tu y arriveras. A seize ans, j'ai couché avec ma mère. J'avais pourtant l'occasion de fréquenter d'autres femmes quand j'allais au chef-lieu du canton, chaque année pour la Fête du Yaourt ou bien pour faire tondre mes moutons. Mais mes sentiments n'étaient pas clairs. Et puis, je ne pouvais pas me passer de ma mère. Ca la faisait pleurer des fois mais je n'y pouvais rien, elle non plus. J'étais son homme, elle m'avait élevé. Après la mort de mon père, elle ne s'est plus occupée que de moi. Elle n'a jamais eu d'autre homme, pas même un berger de passage.

Un jour où je me trouvais à Djiwa, j'appris que la lamasserie de Sera allait faire restaurer ses bouddhas en bronze. C'était l'occasion de quitter ma mère et de me rendre à Lhassa.

A l'époque, ma fille avait déjà neuf ans. Qu'aurait-elle fait si elle avait su que sa mère était également la mienne ? ... [...]
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[...] ... A l'aube, on enfonça la porte de ma chambre pour m'annoncer que Koula Djouli était coincée en haut du chörten. Tous les occupants du monastère affluèrent vers le sommet de la montagne. Il avait fallu qu'elle mette son plan à exécution ! Elle avait démonté la flèche d'or [qui surmontait le chörten]. Mais le piton de cuivre s'était fiché profondément entre ses cuisses. Cette tige de métal suivait toutes les contorsions qu'elle faisait pour se dégager et enflait sans cesse, elle se cala en elle, lui interdisant tout mouvement.

La flèche d'or avait atterri sur la terrasse du quatrième étage. Les lamas étaient terrifiés. J'allais chercher une échelle pour me porter au secours de Koula Djouli. Mais, dès que je l'appuyai contre le chörten, elle prit feu. Je dus reculer précipitamment pour ne pas griller. Le chörten grillait comme du métal en fusion. L'abbé arriva à son tour. Il envoya des hommes récupérer la flèche d'or avec des perches. Puis il fit dire un rituel d'exorcisme. Un orage s'abattit aussitôt sur le chörten, qui disparut derrière un écran de fumée. Mais la chaleur redoubla, les gouttes de pluie éclataient comme le tonnerre en touchant le métal. C'était terrifiant. La fumée ne se dissipa qu'au bout de plusieurs jours. Koula Djouli était toujours là-haut. Morte. On sentait encore l'odeur qui émanait de son corps. ... [...]
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[...] ... [Sa soeur] s'approcha de lui et lui versa à nouveau du thé chaud dans son bol. Il la regarda.

- "Déboutonne donc ta chemise. Tu ruisselles de sueur. Il y a beaucoup de femmes [en Chine] ?"

Il regarda les yeux, puis les lèvres de sa soeur.

- "Elles ne portent pas la robe tibétaine. Elles se mettent des blue-jeans moulants. Pour dormir, elles enlèvent tout, pas comme nous qui gardons notre tchouba (= manteau en peau de mouton chez les bergers, en feutre garni de parements de fourrure chez les plus riches)."

Il détourna les yeux. Elle détourna les yeux.

Autrefois, ils dormaient ensemble. Autrefois, il avait glissé la main à travers la manche de sa soeur jusqu'à toucher les pointes de ses seins. Il avait fourré sa main entre ses cuisses. Elle s'était réveillée, ses cuisses avaient tressailli. Elle avait repoussé sa main et s'était écartée de lui.

Depuis, il ne pouvait plus regarder une femme sans penser à la steppe. A ce souffle moite et oppressant qui colle à la steppe. ... [...]
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