Une nouvelle lecture sollicitée par l'auteur
Jean-Pierre Mabille, via le site SimplementPro, et je l'en remercie.
Il est rare que j'aie des difficultés à poser les premiers mots de mes chroniques. J'ai refermé ce roman l'esprit fourmillant de questions éthiques et existentielles. En cela, le pari est donc gagné.
Gemma est inclassable, à la frontière entre le roman fantastique et contemporain, un fait divers à la fois émouvant et brutal.
L'intrigue est si bien ancrée dans notre présent, que l'on ne peut que se laisser emporter. Une qualité à reconnaître à l'auteur, c'est l'attention apportée aux détails scientifiques. Tout est crédible, cohérent : des interrogation déontologiques de Daniel et Bruno, les deux chirurgiens de la clinique Les Etoiles, aux inquiétudes de Lydie, jeune infirmière, devenue mère adoptive de Jean-Roger, un enfant bicéphale.
Le décor est planté. Les deux bienfaiteurs involontaires et leur pendant féminin, qui pousse le sacrifice maternel à son paroxysme. Accepter de vivre recluse afin d'élever Jean-Roger, à l'abri de la méchanceté et l'intolérance.
La psychologie de chaque protagoniste est parfaitement travaillée. Je n'ai qu'un regret à ce sujet : l'utilisation de la troisième personne. À mon sens, une alternance de points de vue utilisant le "Je", aurait favorisé une meilleure immersion dans leurs pensées.
Néanmoins, je me suis plongée sans problème dans ce conte moderne, auquel j'ai trouvé quelques ressemblances avec un certain bossu, cloîtré dans sa tour de pierre. Ici, le cadre est tout aussi grandiose mais beaucoup plus secret : une clinique privée où ne peut se rendre que la fine fleur de l'élite internationale. Une prison dorée, parfaite pour cacher un être différent que le Monde ne saurait accepter.
D'ailleurs, c'est bien le thème de l'acceptation de la différence, dont il est question ici. Jean-Roger doit-il être opéré alors qu'il vit normalement et que les personnes qui l'entourent se sont faites à sa particularité ? Mais que se passera-t-il lorsqu'il grandira et comprendra que l'existence qu'il mène n'est pas la norme ?
J'avoue que le dénouement m'a laissée avec un goût d'inachevé. J'aurais voulu que le récit aille plus loin ai trouvé la conclusion un peu trop simple.
Mais l'histoire de Jean-Roger, elle, m'est restée en tête un long moment. Je me la suis même imaginée, retranscrite sur grand écran. Un jour peut-être, qui sait ?