L’espoir peut pousser les gens à commettre des actes terribles.
La solitude est une compagne cruelle, maudite. Parfois, elle ne veut simplement pas vous abandonner.
Et même quand vous êtes prêt à lâcher prise. Quand vous êtes prêt à vous libérer. Quand vous êtes prêt à devenir quelqu’un de nouveau. La solitude est une vieille amie debout à votre côté dans le miroir ; elle vous regarde droit dans les yeux, vous met au défi de mener votre vie sans elle. Vous ne pouvez pas trouver les mots pour lutter contre vous-même, lutter contre les mots qui hurlent que vous n’êtes pas à la hauteur, que vous ne le serez jamais vraiment, jamais vraiment.
La solitude est une chose bien étrange. Elle vous envahit, tout doucement et sans faire de bruit, s’assoit à vos côtés dans le noir, vous caresse les cheveux pendant votre sommeil. Elle s’enroule autour de vous, vous serre si fort que vous pouvez à peine respirer, que vous n’entendez presque plus la pulsation du sang dans vos veines, tandis qu’elle file sur votre peau et effleure de ses lèvres le fin duvet de votre nuque. Elle s’installe dans votre cœur, s’allonge près de vous la nuit, dévore comme une sangsue la lumière dans le moindre recoin. C’est une compagne de chaque instant, qui vous serre la main pour mieux vous tirer vers le bas quand vous luttez pour vous redresser. Vous vous réveillez le matin et vous vous demandez qui vous êtes. Vous n’arrivez pas à vous endormir le soir et tremblez comme une feuille. Vous doutez vous doutez vous doutez.
Je commence à me demander si je ne ferais pas mieux de m’enterrer toute seule, avant de me rappeler que, par définition, je le suis déjà. Je n’ai jamais eu besoin d’une pelle pour creuser ma tombe. C’est bizarre.
Je compte tout. Les nombres pairs, les nombres impairs, les dizaines. Je compte les tic de la pendule, je compte les tac de la pendule, je compte les lignes entre les lignes d’une feuille de papier. Je compte les battements brisés de mon cœur. Je compte mes pulsations et mes battements de paupières, et le nombre d’inspirations nécessaires à une oxygénation suffisante de mes poumons. Je reste comme ça, je reste debout, je compte jusqu’à ce que la sensation disparaisse. Jusqu’à ce que les larmes cessent de couler à flots, jusqu’à ce que mes poings cessent de trembler, jusqu’à ce que mon cœur cesse de me faire souffrir. Il n’y a jamais assez de nombres.
Une chose horrible s’est déjà produite. Une autre horreur est sur le point d’arriver. Je le sens.
Ici, sous terre, l’air est froid, souvent humide, et le vent d’hiver implacable quand il fouette le monde en surface pour le soumettre.
Ma bouche a le goût de la mort. Je me débrouille pour ouvrir les yeux et sens aussitôt le feu de l’enfer me déchirer le bras droit.
La terre se fissure sous mes doigts, et l’impact se répercute dans tout mon corps, ricoche dans mon squelette jusqu’à ce que mon crâne se mette à tourner, et mon cœur, tel un balancier, se cogne contre ma cage thoracique. Ma vue se trouble, et je dois battre cent fois des paupières pour apercevoir enfin une crevasse se former sous mes pieds, une fine ligne qui lézarde le sol.