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Critique de Christw


Il faudra vingt ans à Jorge Semprún pour s'affranchir de la déportation et décider d'entrer en littérature avec le grand voyage. Son amie Claude-Edmonde Magny lui avait écrit une lettre en 1943 afin de l'aider à voir clair dans son désir d'écrire. Lettre qui ne l'a jamais quitté et qui lui rappela toujours ces mots de l'agrégée de philosophie : «Nul ne peut écrire s'il n'a le coeur pur, c'est-à-dire s'il n'est assez dépris de soi.»

Quel cadeau pour le jeune écrivain ! Tant de lucidité, d'honnêteté et de générosité en une quarantaine de pages, voilà une amitié.

L'amie du groupe Esprit pense que Semprún, qui fait alors de brillants pastiches de Mallarmé, n'est pas sorti des limbes de la création littéraire. Elle met en garde contre les tentatives d'être profond, contre les oeuvres qui font semblant de l'être, «comme celles de l'acteur qui marmonne en aparté, leurs lèvres remuent mais nous n'entendons rien.» Et si quelqu'un est à même d'entendre «quelque chose», c'est bien cette femme-là, qui décèle les plus minces parts d'inauthenticité chez Balzac ou Flaubert, Gide ou Wilde.

Il y a des vérités qui gisent au fond de nous, enfouies. Comment un écrivain en vient-il soudain à faire le livre réussi ? Magny invente pour Socrate un discours éclairant : «C'est que notre âme, ô Ménon, est comme un immeuble très haut où l'architecte trop confiant dans le progrès aurait oublié l'escalier et où l'ascenseur, brusquement, se trouverait bloqué.» Elle souligne les vérités sur la vie ou la mort, appréciez cette formulation, impossibles à formuler en un langage qui leur préexiste, sinon celui précisément qu'élira pour elles la création littéraire. L'humus d'où jaillit la création littéraire correspond, selon elle, à l'inconscient freudien que les psychanalystes ont mal exprimé. Elle considère que pour faire «remarcher l'ascenseur», la prise de conscience n'est pas suffisante, il y a la nécessité d'une transmutation esthétique qu'on ne peut guère, sans doute, définir autrement que par son résultat.

Et la condition pour cela est de se libérer.

[...].

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