Citations sur A pleine voix. Anthologie poétique, 1915-1930 (65)
Écoutez !
Puisqu'on allume les étoiles,
c'est qu'elles sont à
quelqu'un nécessaires?
C'est que quelqu'un désire
qu'elles soient?
C'est que quelqu'un dit perles
ces crachats?
Et, forçant la bourrasque à midi des poussières,
il fonce jusqu'à Dieu,
craint d'arriver trop tard, pleure,
baise sa main noueuse, implore
il lui faut une étoile!
jure qu'il ne peut supporter
son martyre sans étoiles.
Ensuite,
il promène son angoisse,
il fait semblant d'être calme.
Il dit à quelqu'un :
" Maintenant, tu vas mieux,
n'est-ce pas? T'as plus peur ? Dis ? "
Écoutez !
Puisqu'on allume les étoiles,
c'est qu'elles sont à quelqu'un nécessaires ?
c'est qu'il est indispensable,
que tous les soirs
au-dessus des toits
se mette à luire seule au moins
une étoile?
PROLOGUE
Votre pensée
rêvant dans votre cerveau ramolli,
comme un laquais repu se vautre au gras du lit,
je la taquinerai sur un morceau de cœur sanglant,
j'en rirai tout mon saoul, insolent et cinglant.
Dans mon âme je n'ai pas un seul cheveu blanc,
ni la douceur des vieilles gens !
A mon puissant verbe, le monde est tremblant,
je vais-superbe
avec mes vingt-deux ans
(Le nuage en pantalon)
La flûte des vertèbres
En un toast
à vous toutes
qui m'avait plu et me plaisez,
icônes bien gardées au creux de l'âme,
comme une coupe je soulève mon crâne
plein à ras bord de poésie.
De plus en plus je me demande
s'il ne serait pas mieux
que je me mette d'une balle un point final.
Aujourd'hui
à tout hasard
je donne un concert d'adieu.
Moi,
grande bouche-d'or
dont chaque mot
enfante une âme neuve,
célèbre la fête du corps,
je vous dis :
la plus infime poussière de vie
est plus précieuse que tout ce que je fais et fis !
Murmure.
Toute la terre
desserre ses lèvres noircies.
Plus fort.
En un cri d'ouragan.
cela bout.
"Jurez-le,
vous ne faucherez plus personne !"
Et en se levant des kourgans funéraires,
les os ensevelis se recouvrent de chair.
J'attends encore,
dans un bain de pluie,
mon visage dans son visage picoré.
J'attends encore,
éclaboussé par le tonnerre du flux urbain.
Minuit, accourant, un couteau à la main,
a rattrapé
et égorgé
la douzième heure,
Dehors !
Ainsi le veut l'usage
Tout homme à sa naissance hérite de l’amour –
mais les offices,
les rentes,
et tout le reste,
au fil des jours
ça vous endurcit le terreau du cœur :
Sur le cœur est mis un corps,
sur le corps – une chemise.
Mais c’est pas assez beau !
Quelqu’un –
l’idiot –
imposa les manchettes
et répandit l’amidon sur les jabots.
Avec l’âge, on s’avise.
La femme se met des fards.
L’homme fait le moulin comme Muller le stipule.
C’est trop tard.
Ses plis de la peau se multiplient.
L’amour fleurit
un moment –
puis se flétrit.
Soudain —
La seconde vole en éclats.
Sens dessus dessous l'arène bascule.
Le ciel s'occulte.
Les secondes se bousculent, se bousculent —
elles éclatent,
vrombissent,
vomissent.
La fusillade roule et écume
dans le rempart qu'elle ensanglante.
En avant !
(la guerre et l'univers)
La quatrième internationale
Lettre ouverte de Maïakovski au partit communiste russe (bolchevik) expliquant quelques façons d'agir dudit Maïakovski.
Il y avait des pain blanc.
Plus
que d'étoiles.
Des petits
et pourtant d'une livre.
Mais vous,
vous étiez clandestins,
préparant la révolte de la faim.
On vivait, on bouffait bruyament.
Le monde:
des hôtels grimpant à l'assaut du ciel,
des ascenseurs pleins d'élégantes,
vissés aux étages tranquilles.
Le nuage en pantalon
Inutiles, vos bottes !
Dites aux sapeurs-pompiers
Qu’on entre dans un cœur ardent avec douceur.
Moi-même,
les larmes de mes yeux, je les versent à grands seaux.
Laissez-moi prendre appui sur mes côtes.
Je saute ! Je saute ! Je saute ! Je saute !
Ecroulées.
On ne saute pas hors du cœur.
Sur mon visage tout embrasé,
par la fissure de mes lèvres,
Un tout petit baiser carbonisé s’élève.