Les 20 000 femmes de la vie d'un homme

Et tout est faux comparé à cet instant. A cette main qui se réchauffe contre sa joue, à la beauté de ce corps. La porte bat sous le vent venant de la nuit, la femme se lève pour la refermer, une femme qui s’éloigne et qui revient entourée de la fraîcheur des neiges. Tout ce qu’il est en train de vivre, il le devine, est une autre vie dans laquelle, cette nuit, il est né.
Ils reviennent à la maison sous une dense chute de neige. Nulle part, il ne retrouve les traces qu’ils ont laissées en venant de l’étang.

Le corps est beau non seulement dans sa chair et ses lignes mais aussi grâce à ce bois bruni sur lequel sa carnation se détache. Grâce au silence traversé par les craquements du feu. Grâce au bleu profond de la petite fenêtre où s'épaissit la nuit. La chaleur est telle que, déshabillé, il ne peut que rester à moitié couché sur les grosses planches du sol, attraper l'air un peu moins brûlant, observer le beauté de la femme. Belles sont ses mains abandonnées sur ces genoux, son immobilité, ses paupières closes. Et la possibilité de ne rien dire, de ne rien expliquer, de toucher ses pieds, comme il fait à présent, en posant sa tête sur ces pieds douloureusement minces, de les embrasser, de les presser contre sa joue, de ne plus bouger.