En fait, je ne sais rien de toi. D'où tu viens. Je sais même si t'es marié, si t'as des marmots. Il y a du brouillard autour de toi. On dirait que t'as pris le maquis. page 52
L'aurore approche, poisseuse et grasse,une aurore aux mains sales qui rampe par la fenêtre et lui griffe les paupières.
Le soir finissait par le libérer, sonné d'avoir survécu une journée de plus. Il se croyait dans une cage, un clapier dont la porte n'est pas fermée mais dont on n'ose pas détaler. Le comble, c'est qu'il aurait pu continuer comme ça jusqu'au bout. Des tas de gens y arrivent, refusant de concéder le moindre changement malgré le mal-être. Ils s'accoutument à la fiction qu'on a construite pour eux. Certains finissent par aimer leur fardeau. Wozniak se serait résigné lui aussi. Il aurait fini par se résoudre. Le divertissement bas de gamme, l'alcool, ça n'a pas d'autres fonctions. Le sucre et le gras. Céder aux plaisirs faciles qui apaisent les impulsions, qui assoupissent la tête et consolent le corps. L'espoir réduit aux grilles de loto. Ce ne devait pas être si compliqué puisque les autres y parvenaient. Et puis la réconciliation serait venue doucement, sans douleur insurmontable, avec l'âge, la fatigue et l'embonpoint.
"Acheter, penser à l'argent toujours. Poursuivre pour que rien ne s'écroule. Travailler à seule fin de perpétuer le train de vie moderne, en être complice, maintenir la surenchère jusqu'au dernier souffle, transmettre le virus à la progéniture."
On se réveille un matin, il ne reste que ce qu'on ne pourra plus être, et les mirages à perte de vue.
Il repense à une scène, un jour il a vu un camion de déménagement renversé sur l'autoroute. La sueur froide qu'il a éprouvé de voir tout ce qu'on peut entasser avec les années, répandu sur le bitume... Ce n'est pas parti de là, mais un signe annonciateur, pourquoi pas.
Kamel écoute, il aime bien ce que raconte Florian, mais il est un peu ailleurs, il pense à combien il se sent loin, dépaysé dans la chronologie et dans l’espace, combien il est soulagé de s’être mis en marge. Il a longtemps subi les codes et les normes qui font des jours qui passent une somme de non-choix ou d’options par défaut. Ces règles-là, il les a trop respectées, à rebours de ses instincts
Wozniak se serait résigné lui aussi. Il aurait fini par se résoudre. Le divertissement bas de gamme, l'alcool, ça n'a pas d'autres fonctions. Le sucre et le gras. Céder aux plaisirs faciles qui apaisent les impulsions, qui assoupissent la tête et consolent le corps. L'espoir réduit aux grilles de loto. Ça ne devait pas être si compliqué puisque les autres y parvenaient. Et puis la renonciation serait venue doucement, sans douleur insurmontable, avec l'âge, la fatigue et l'embonpoint.
Il se demande si Laure a baissé la garde, ou si elle a tendu ses filets.
Ma vie est une blague qui ne fait rire personne.