Frayant une travée entre ses cuisses moites, progressant sur le duvet de sa peau d'une main suave, et sans aller jusqu'à m'en condamner l'accès, elle ne consentit aucun effort pour me céder un pouce de terrain, pourtant j'atteignis mon but, dépêchant la pulpe de mes doigts au contact de sa lingerie la plus intime.
Je sentais croître le malaise qui naissait en moi lorsqu'on heurte ma répugnance à me donner en spectacle.
Des amis, j'en avais plus depuis des années, c'était fini - l'amitié ça va quand on est jeune ; après on se traîne les vieux amis comme des témoins gênants de ce qu'on était jadis. Avec Bruno et Denis, on buvait des bières au bar, on pédalait dans la montagne, ça se limitait à ça. Bon, ils n'étaient pas toujours très malins, loin de là. En plus ils portaient des boucs. Mais qu'est-ce que je pouvais y faire ? Gisèle ne les appréciait pas beaucoup, surtout Fumard ; et c'était peut-être un peu réciproque depuis le jour où elle était restée de marbre alors qu'il avait proféré sa blague fétiche comme quoi le samedi soir les femmes de garagistes avaient du cambouis sur la foufoune.
Je baisais sa femme, il baisait la mienne, c'était à peu près notre seul point commun.
Alors qu'elle n'en concevait pas l'idée une heure plus tôt, une femme décide un peu subitement que vous avez le droit de voir sa motte; oubliant les principes
moraux, la continence et la modération, elle vous ouvre la jouissance de son sanctuaire confidentiel. Il y avait dans ce libre arbitre une sorte de beauté émouvante.
Voilà le pedigree du ressortissant que j'avais en face de moi, voilà de quoi était capable cet individu [...], voilà qui était ce génie en vérité. Un inconsistant et un insignifiant, un vieil adolescent. [...]
Et c'était ce garçon dont on s'arrachait les bouquins, ce garçon qu'on écoutait à la radio en se disant : "Ah, ah, il est vraiment futé celui-là, et en plus quelle culture..."
Moi, j'avais écrit dix ans dans mon coin, laborieusement, tricotant des paragraphes serrés de mailles fines en faisant gaffe aux fausses notes, à l'esbrouffe, façonnant mes chapitres comme des briquettes, m'efforçant d'équilibrer l'édifice à l'aplomb, à coups de masse si nécessaire ou taillant dans le vif pour que tout s'imbrique correctement, ponçant soigneusement pour effacer les brasures et les raccords. J'avais tenté de faire mûrir au fil des pages des personnages pas trop crétins, me laissant guider par l'honnêteté intellectuelle davantage que par l'ambition de séduire, et j'étais parvenu à mettre sur pied des créatures qui finissait par gagner mon affection pour la plupart. Durant cette période, j'avais aussi beaucoup lu, j'avais séjourné de longues journées dans les rayons des bibliothèques, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau, à compulser des tonnes de romans au hasard, parfois quelques lignes seulement, quelques mots, prenant des notes, imitant des phrases, recopiant des tournures, excavant les dorsales des récits, la progression des intrigues. Et pour solde de tout compte, ce furent dix années de vaches maigres sans que je parvienne jamais à publier quoi que ce soit. Depuis je n'écrivais plus. Je lisais surtout le journal et des bandes dessinées.
Les bénévoles du comité des fêtes étaient à pied d'oeuvre. Il y avait encore des gens pour s'investir dans ces associations. Ils exécutaient des tâches laborieuses sous les ordres cassants d'une poignée de meneurs. Pour la randonnée de printemps, ils beurraient docilement près de 5000 toasts dans des conditions sanitaires pas très reluisantes, soit dit entre parenthèses.
Je découvrais en temps réel qu'un adultère ça ne se limitait pas forcément à une histoire de sexe, il pouvait y avoir des à-côtés psychologiques.
Sans déconner, que ma femme se tape un autre homme, à la limite, je parvenais à prendre du recul - à la rigueur, je pouvais même l'admettre. Mais je ne tolérais pas le procédé infect d'une lettre anonyme.
A propos de cholestérol, la femme de Denis débarqua vers 19 h 30, cheveux violets, bouclettes grillées.