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Critique de Denis3


Que dit le Sphinx quand il parle ?
ET
Que faire de ses paroles ? Sont-elles trop peu humaines pour être compréhensibles, ou ne le sont-elles que trop ?

L'immensité. L'horreur devant cette immensité. L'immensité de l'horreur
Et les actes que l'on commet pour conjurer l'une et l'autre. Toute culture serait un système, souvent décousu, pour conjurer l'immensité de l'existence, l'énormité de son mystère, l'horreur de l'inadéquation entre les espérances de l'homme, et ses moyens propres. Inadéquation qui se montre sous les traits de la souffrance et de la mort. Tout système - surtout décousu - a ses exceptions, et c'est de ces exceptions que Malraux veut nous parler ici. Des êtres marginalisés par leur refus du système qui permet aux autres de vivre, d'éprouver la joie ou l'amour, l'espoir même, malgré la souffrance et la mort qui rôdent autour de la vie, la contraignent, et la pénètrent.

Claude et Perken sont aventuriers. Par choix, non par contrainte. Ils veulent faire de leurs vies un acte dé défi, faire un éclat, laisser une trace. Avec toute l'effronterie d'un tag sur un mur de villa bourgeoise. Perken a une longue expérience de ce type d'existence et veut “ tracer une cicatrice sur la carte” : se construire un petit royaume parmi les tribus insoumises au Haut-Laos. Pour cela, il faut des armes, et pour les acheter, des fonds. Claude débute, peut-être ne sait-il pas encore très bien ce qu'il veut, mais un raid en territoire cambodgien parmi les tribus encore sauvages, pour voler des oeuvres d'art de temples encore à découvrir, puis les revendre, c'est déjà l'aventure, c'est déjà l'excès. Ils font connaissance sur le bateau qui les mène en Indochine…

L'affrontement entre ces êtres atypiques - héroïques ? - et la réalité de l'existence, prend la forme d'une lutte avec la forêt tropicale, grouillante de formes de vie hostiles ou terrifiantes, et avec les tribus insoumises, dont le mode de vie n'est pas reconnu comme culture, mais appellé “sauvagerie”, terme indifférencié, qui recouvre peut-être l'incompréhension envers des peuples qui ne se sont pas encore détachés de leur milieu naturel, pour s'y opposer et le contraindre. Affrontement qui apporte la mort ou la gloire, tous deux soldant le compte de l'intéressé, car les morts retournent au silence.

La Condition Humaine avait conté l'histoire d'hommes enragés par la misère et l'injustice. Des hommes n'ayant rien à perdre, pour qui la mort serait une forme de délivrance. Qu'ils se jettent dans l'aventure d'une lutte même désespérée était plus que compréhensible. Que certains le fassent par un choix calme et délibéré me parait plus problématique. Doit-on étendre son emprise sur la vie des autres pour arriver à une renommée qui permettrait de résister un peu plus longtemps à l'oubli, au silence du tombeau ? Tous les dictateurs, tous les conquérants n'ont ils pas nourri ce rêve, et si certains échappent partiellement à la renommée de bouchers et de monstres ( Alexandre le Grand ou Napoléon) n'est-ce pas grâce à quelques coups d'encensoir dispensés par l'Éducation Nationale ? Qu'y a t-il de glorieux, d'enviable à une telle mémoire ? L'Homme, se mesurant directement à l'Immensité, ou au Néant, devient cette Horreur qu'il espère pacifier.
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