- Ce n'est pas pour mourir que je pense à ma mort, c'est pour vivre.
(p.130)
Déjà relevé, crachant, il vit grouillantes d'insectes, une seconde, ces pierres du sol sur quoi pouvait s'écraser sa vie; dérivé du dégout par le danger, il retomba sur le mur avec une brutalité de bête en fuite, avançant de nouveau, ses mains gluantes collées aux feuilles pourries, hébété de dégout, n'existant plus que par cette trouée qui le tirait par les yeux. Comme une chose qui éclate, elle fit place au ciel.
(p.92)
"Je pense que c'était un homme avide de jouer sa biographie, comme un acteur joue un rôle. Vous, Français, vous aimez ces hommes qui attachent plus d'importance à...voyons, oui...à bien jouer le rôle qu'à vaincre."
(p.32)
"Tout aventurier est né d'un mythomane" disait-il à Claude.
(p.36)
Maintenant que son energie ne s'appliquait plus, Perken retombait sur lui-même. A peine semblait-il qu'il avait retrouvé sa vie: lorsqu'il avait risqué torture et déchéance en craignant de n'y pouvoir résister, il avait à tel point été arraché à lui-même qu'il ne se sentait plus en face que d'une vie de brouillard. Qu'y avait-il de réel dans cette rumeur qui montait et descendait avec la flamme, dans ce conciliabule de fous au centre de cet implacable écrasement de la forêt et de la nuit ?
(p.161)
Perken parut réfléchir. Claude le regardait, découvrant que l'état civil, que les faits, sont aussi impuissants contre la puissance de certains hommes que contre le charme d'une femme. (...) Des faits, Claude ne retiendrait que ceux qui s'accordaient à ses sentiments.
(pp.48-49)
"On ne fait jamais rien de sa vie.
- Mais elle fait quelque chose de nous.
- Pas toujours...Qu'attendez-vous de la vôtre ?"
(...)
"Je pense que je sais surtout ce que je n'en attends pas...
- Chaque fois que vous avez dû opter, il se ...
- Ce n'est pas moi qui opte : c'est ce qui résiste.
- Mais à quoi ?"
Il s'était assez souvent posé lui-même cette question pour qu'il pût répondre aussitôt:
" A la conscience de la mort."
(pp.56-57)
Perken était de la famille des seuls hommes auxquels son grand-père - qui l'avait élevé - se sentit lié. Lointaine parenté : même hostilité à l'égard des valeurs établies, même gout des actions des hommes lié à la connaissance de leur vanité; même refus, surtout.
(p.37)
Se refuser sans réserves au monde, c'est toujours se faire souffrir terriblement pour se prouver sa force. Il y a dans tout cela un immense orgeuil primitif, mais à quoi la vie et pas mal de souffrance ont fini par donner forme...
(p.118-119)
Posséder plus que lui-même, échapper à la vie de poussière des hommes qu'il voyait chaque jour...
(p.59)
Ce n'était plus la transe de la forêt, mais la possession lente de la terre et des hommes par la chaleur, l'établissement d'une implacable domination. Projets, volontés se volatilisaient en elle : au fur et à mesure qu'avec le silence retombé , elle envahissait la pièce, une autre présence montait du flamboiement blanc du sol, des animaux endormis, de l'immobilité des deux hommes réfugiés dans cette ombre surchauffée : la mort.
(p.171)
"Ce qui est étonnant, Claude, dans la présence de la mort, même ...lointaine, c'est que l'on sait tout à coup ce que l'on veut, sans hésitation possible."
(p.173)
A côté de lui, Claude qui allait vivre, qui croyait à la vie comme d'autres croient que les bourreaux qui vous torturent sont des hommes : haÏssable.
(p.196)