Citations sur La sérénade d'Ibrahim Santos (15)
"A tous les dictateurs du monde, regardez donc défiler les heures à vos montres d'or et de diamants. Les peuples vous arracheront leurs rêves, les peuples sonneront votre glas."
elyzad
Ainsi, sous le ciel de Santa Clara, un rhum à peine extrait avait le goût d'un rhum trois ans d'âge, un rhum trois ans d'âge avait le goût d'un rhum sept ans d'âge, et un rhum quinze ans d'âge paraissait éternel.
Peu importe d'où viennent les hommes, tant qu'ils vont de l'avant.
- Il n'y a pas d'âge pour apprendre, le taquina Alfonso.
- Il n'y a pas d'âge pour apprendre à faire pire, c'est certain.Mais il y a toujours un âge pour apprendre à faire mieux.
Une mouche à la cuirasse verte et luisante n'arrêtait pas de se poser sur le bord épais de ses narines. [...] Il levait le bras en direction de la foule et faisait envers elle de grands gestes elliptiques, comme s'il la couvrait tout entière par la seule paume de sa main. Puis cette même paume venait tapoter avec noblesse sa poitrine décorée. Son autre main bougeait d'une façon nettement moins aristocratique, puisque l'amour que portait la mouche verte à ses narines était à son apogée.(p.55/59)
L'autosuffisance alimentaire était alors devenue pour lui [le dictateur] l'objectif à atteindre coûte que coûte. Mais en bon militaire, il avait sur le sujet une opinion bien arrêtée :
- On parviendra à l'autosuffisance, même s'il faut pour cela que le peuple arrête de manger !
Son Ministre de l'Agriculture, qui fut un temps étudiant en Espagne, le convainquit de fonder une Académie agricole avant d'opter pour une solution aussi géniale.
Le soir tomba. La lune était belle et ronde et pas une constellation ne cachait ses étoiles. L'air léger portait dans tout Santa Clara l'odeur de la viande de porc grillé, et faisait geindre le maire qui gisait par terre, lampes éteintes, dans l'obscurité de sa maison.
Le vieux Ruiz s'était déniché une nouvelle canne. Il était dans son jardin, debout devant le feu, et mettait sur le grill des côtes épaisses qu'il avait salées et malaxées avec du romarin.
"J'avais raison, il est bien juteux !"
Alfonso Bolivar était assis derrière lui. Sa chemise était nettement moins blanche que le matin même. Il jeta par terre l'os de la monstrueuse côte qu'il venait de s'envoyer.
— Vive la Révolution ! dit-il en riant. Il se lécha les doigts et prit une gorgée de la bouteille de rhum qui traînait par terre. Si une vieille pierre comme toi ne s'y connaissait pas en cochons ! Tu devais même être là quand le Bon Dieu les a créés.
Nelson Ruiz opina de la tête.
— Oui, j'étais là ! Il porta à sa bouche une côte grillée et mordit dedans. C'est même moi qui lui ai demandé de les créer !
"- C'est après la terre qu'ils en ont, après la terre et ce qui sort de la terre, dit le vieux Ruiz depuis sa chaise en teck. Ces hommes ont trop de pouvoir pour se contenter d'apprécier une bonne bouteille et décamper. [...]
- Tu crois qu'ils veulent réquisitionner nos terres ? se lança Alfonso Bolivar
- Nos terres ne sont plus les nôtres depuis que ces hommes les ont foulées, répondit le vieux Ruiz." (p.132)
Au-dessus de l'infini bleu de l'océan, la poésie de Salam toucha au sublime. Il dit des vers jamais transcrits, et avec sa viole d'amour, joua des notes jamais reportées. Et dans ses vers et dans sa musique étaient dévoilés le ciel, le vent, la mer, leurs colères, leurs stases et leurs clémences. L'expédition avança comme un voilier sur un lac, jusqu'au Nouveau Monde.
Dans la mémoire du monde, il avait retrouvé la sienne. Enfin, la vision du coeur triompha sur le mirage de l'orgueil.