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Critique de Aquilon62


Parfois tout est question de chiffres
Deux légendes, Milo Manara et le regretté Umberto Eco ;
Une oeuvre : le nom de le rose ;
Après avoir embrassé le 3 ème art avec son Caravage, tout en magnificence ;
Manara, vénérable maitre du neuvième art, s'attaque au 5 ème Art, la littérature ;

Alors quand on aborde le Nom de la Rose, vient très vite à l'esprit l'adaptation cinématographique qui date de 1986, mais c'est surtout et avant ce chef d'oeuvre d'Umberto Eco, sorti en 1982 en France, remarquablement traduit par Jean-Noël Schifano et auréolé la même année du Prix Médicis étranger.

1982....2022
Anniversaire salué, l'année dernier par la parution chez Grasset d'une version qui pour marquer le 40 ème anniversaire de sa publication. Cette version intégre les croquis et les notes préparatoires de l'auteur ainsi qu'une postface de son éditeur italien Mario Andréose.
C'est également en 2022, que le magazine Italien Linus (qui publia en 1965 en autres interviews une d'Umberto Eco) diffuse les deux premières planches dans sa version préliminaire sans textes, de ce qui deviendra presque un an plus tard une BD qui se déclinera en 2 volumes. Et l'attente est déjà là...

Manara a dit  "Le Nom de la rose est un livre qui a connu un succès mondial et a déjà eu des adaptations à la fois au cinéma et à la télévision, donc faire une nouvelle transposition est sans aucun doute un grand défi. Bien sûr, j'ai tout de suite pensé que la bande dessinée elle-même est un livre et, le Nom de la rose, dans un certain sens, est un livre sur les livres. J'ai pensé que, contrairement aux transpositions précédentes, on pouvait élargir le sujet en créant un livre sur un livre qui parle de livres, en poursuivant ce croisement de citations dans un jeu de matriochkas intéressant."

Car autant le dire toute de suite c'est à une adaptation extrêmement complexe à laquelle il s'est attaché et il fait montre d'une extraordinaire preuve de polyvalence artistique.

Il en émane de Les scénarii forcément imbriqués  : internes (ceux du monastère bénédictin et ses salles secrètes), externes (les paysages enneigés qui entourent le bâtiment) et oniriques (avec des dessins animés entiers à la manière de Jérôme Bosch dédiés à la représentation des diables, des pécheurs et des rêves infernaux nés issus des fantasmes des différents personnages), pour lesquels le dessinateur adapte son coup de crayon..

Adapter une oeuvre colossale, est un exercice complexe, pour laquelle Manara fait preuve d'une réelle polyvalence artistique.
Il a réussi à épurer le récit de la bonne manière et aux bons endroits pour pouvoir en faire une synthèse nécessaire qui n'enlève rien à l'essence de l'oeuvre originale. L'histoire de Guillaume de Baskerville et d'Adso de Melk, de leur arrivée dans l'abbaye des Alpes piémontaises entachée par une série de meurtres, de leurs enquêtes et de la formation du plus jeune des deux est introduite, comme dans le roman, par le prologue dans lequel Eco raconte la découverte du manuscrit original, et est accompagné de digressions historiques fondamentales pour reconstruire le contexte dans lequel sont immergés les faits racontés.

L'aspect le plus étonnant et le plus merveilleux de cette BD est sans aucun doute le parti pris artistique. Manara navigue avec aisance et élégance entre trois styles graphiques différents :
Un graphisme traditionnel pour l'intrigue principale celle d'Adso et de Guillaume, de leurs enquêtes, de la formation du plus jeune des deux ;
Une ligne picturale d'influence de fin du Moyen Âge et de Renaissance pour les digressions historiques sur l'hérésie dolcinienne ;
Et enfin quand il s'agit des fantaisies d'Adelme qui rappellent le style grotesque des miniatures, tout comme les bas-reliefs du portail de l'abbaye les dessins, s'animent de milles couleurs - de milles details - qui peuvent faire penser au Jardin des délices de Jérôme Bosch.

Les scénarios sont également remarquables : internes (ceux du monastère bénédictin et ses salles secrètes), externes (les paysages enneigés qui entourent le bâtiment) et oniriques (dédiés à la représentation des diables, des pécheurs et des rêves infernaux nés issus des fantasmes des différents personnages). Et Manara d'adapter son coup de crayon...

Car l'aspect le plus étonnant et le plus merveilleux de cette BD est sans aucun doute le parti pris artistique. Manara navigue avec aisance et élégance entre trois styles graphiques différents :
Un graphisme traditionnel pour l'intrigue principale celle d'Adso et de Guillaume, de leurs enquêtes, de la formation du plus jeune des deux ;
Une ligne picturale d'influence de fin du Moyen Âge et de Renaissance pour les digressions historiques sur l'hérésie dolcinienne ;
Et enfin quand il s'agit des fantaisies d'Adelme qui rappellent le style grotesque des miniatures, tout comme les bas-reliefs du portail de l'abbaye les dessins, s'animent de milles couleurs - de milles details - qui peuvent faire penser au Jardin des délices de Jérôme Bosch.

En parlant de son adaptation Manara confie que :" le fait qu'il s'agisse d'une histoire presque entièrement réalisée dans un monastère, avec des personnages tous habillés de la même manière, est sans aucun doute un défi pour un dessinateur, qui a pour priorité de toujours garder l'aspect visuel du récit intéressant. le thème de la censure, ou comment les pages de la Poétique aristotélicienne consacrées au rire déclenchent la folie meurtrière du fanatisme religieux, je le traduirais d'un point de vue visuel, en dédiant plus d'espace aux marginalia, les miniatures qui offraient une vision à l'envers de la réalité conventionnelle, considérée dans le livre d'Eco comme le déclencheur de l'enquête."

L'utilisation de la couleur est très particulière, douce, silencieuse voire désaturée qu'elle en semble presque absente.
Manara, ou plutôt sa fille, utilise des tons où l'équilibre se joue sur le blanc et le gris, avec des nuances subtiles qui donnent vie à l'atmosphère rigoureuse de l'abbaye bénédictine et à ses règles rigides de vie, de prière et d'abstinence, parvenant à interpréter au mieux les éléments naturels, c'est-à-dire les lumières et les ombres de l'hiver enneigé.
Les seules exceptions sont les tons clairs, les rouges du feu, du sang et du vin, et l'apparition féminine finale...

Le talent de Manara ressort tant dans les portraits que dans les décors qui accueillent les scènes ; dans ce cas, le sujet du "corps" - qui a toujours été propre au dessinateur - est caché derrière les longues robes qui cachent les formes, et l'attention de l'artiste se concentre alors sur les visages et les expressions faciales des personnages.
À la lumière de tous ces mécanismes artistiques, qui ne sont pas sans rappeler SON Caravage, tous les ressorts en font une d'adaptation réussie, et pourtant adapter un tel livre était une gageure....

Mais quand l'un des plus grands crayons du monde se met au service de l'un des plus grands stylos du monde, pouvait-il en être autrement....
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