Il y a des écrivains qui tentent de mettre le monde dans un livre. Il y en a d'autres, plus rares, pour qui le monde EST un livre [...].
On lit ce qu'on aime, disait-il, tandis qu'on n'écrit pas ce qu'on aimerait écrire, mais ce qu'on est capable d'écrire.
“Toutes les littératures commencent par des épopées, plaidait-il, pas par de la poésie intime ou sentimentale.” Et il citait l'Odyssée pour s'en expliquer : “Les dieux tissent pour l'homme l'adversité afin que les générations futures aient quelque chose à chanter. ”
Du fait de sa mémoire colossale, toute lecture était pour lui relecture.
Il y a des écrivains qui tentent de mettre le monde dans un livre. Il y en a d'autres, plus rares, pour qui le monde est un livre, un livre qu'ils tentent de lire pour eux-mêmes et pour les autres. Borges était de ceux-là.
"Une autre des subversions de Borges, c'est l'idée que chaque livre , quel qu'il soit, contient la promesse de tous les autres, à la fois mécaniquement et intellectuellement."
"Les conversations avec Borges étaient ce qu'à mon avis devaient être toutes les conversations : elles traitaient de livres et de l'horlogerie des livres, de la découverte d'auteurs que je n'avais pas encore lus et d'idées qui ne m'étaient encore jamais venues à l'esprit ou que je n'avais qu'entraperçues de façon hésitante, à demi intuitive, et qui, par la voix de Borges, brillaient et étincelaient dans toute leur splendeur généreuse, et d'une certaine manière, évidente."
INCIPIT
"Je me fraie un chemin dans la foule de la Calle Florida, je pénètre dans la toute récente Galeria del Este, j'en ressors à l'autre bout, je traverse la Calle Maipu et, en prenant appui sur la façade de marbre rouge du numéro 994, j'enfonce le bouton marqué 6B. J'entre dans la fraîcheur du vestibule de l'immeuble et je grimpe les six volées de marche. Je sonne à la porte et la bonne vient m'ouvrir, mais, sans lui laisser le temps de m'introduire, Borges apparaît derrière une lourde tenture, très raide, son costume gris boutonné jusqu'en haut, son col blanc et sa cravate rayée de jaune légèrement de travers, et il s'avance à ma rencontre en traînant un peu les pieds."
"Pour Borges, l'essentiel de la réalité se trouvait dans les livres ; lire des livres, écrire des livres, parler de livres."
Pour un homme qui appelait l'univers une bibliothèque et qui reconnaissait avoir imaginé le paradis "bajo la forma de una biblioteca", les dimensions de sa propre bibliothèque paraissaient décevantes, peut-être parce qu'il savait, ainsi qu'il l'a exprimé dans un autre poème, que le langage ne peut "qu'imiter la sagesse".