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Citations sur La Bibliothèque, la nuit (65)

La bibliothèque d'Alexandrie, implicite dans les Mémoires des voyageurs et dans les chroniques des historiens, réinventée dans les œuvres de fiction ou dans les fables, en est venue à représenter l'énigme de l'identité humaine, avec la question posée d'une étagère à l'autre : "Qui suis-je ?"

(I- Un mythe, p.44)
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[L'existence de toute bibliothèque] accorde [aux lecteurs] un aperçu, si secret ou distant soit-il, de l'intelligence d'autres êtres humains et leur offre une possibilité d'en savoir plus sur leur propre condition grâce aux récits engrangés à leur usage. Et, surtout, elle dit aux lecteurs que leur activité comporte la capacité de se rappeler, activement, à la suggestion de la page écrite, des moments choisis de l'expérience humaine.

(I- Un mythe, p.41)
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"Plus qu'à toute autre chose, la mémoire ressemble à une bibliothèque en désordre alphabétique, et ne possédant l’œuvre complète de personne.*25"

25- Joseph Brodsky, "In a Room and a Half", in ' Less Than One ' (Farrar, Straus & Giroux, New York, 1986)



(I- Un mythe, p.41 ; et Notes)
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Toute bibliothèque, du simple fait de son existence, évoque son double interdit ou oublié : une bibliothèque invisible mais impressionnante, composée des livres qui, pour des raisons conventionnelles de qualité, de sujets ou même de volume, ont été jugés indignes de survivre sous ce toit particulier
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Toute bibliothèque est par définition un choix, et son envergure est par nécessité limitée. Tout choix en exclut un autre, celui qui n'a pas été fait. La lecture coexiste de toute éternité avec la censure
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...ils oubliaient que citer, c'est continuer une conversation du passé afin de donner un contexte au présent.
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La destruction des livres de l'Amérique précolombienne illustre bien la peur qu'inspire aux puissants les vertus subversives de l'écrit. Il arrive même que la destruction par le feu ne leur paraisse pas suffisante. Les bibliothèques sont, par essence, non seulement des affirmations mais aussi des remises en cause de l'autorité du pouvoir. Qu'ils soient conservatoires de l'histoire ou sources pour l'avenir, guides ou modes d'emploi pour des temps difficiles, symboles d’autorités passées ou présentes, les livres d'une bibliothèque représentent plus que leur contenu collectif et, depuis les origines de l'écriture, on les a considérés comme une menace. Peu importent les raison de la destruction d'une bibliothèque : interdiction, réduction, déchiquetage, pillage ou mise à sac ont tous pour effet le surgissement (au moins en tant que présence fantomatique) d'une collection plus voyante, plus évidente et plus durable de tous les livres interdits, pillés, mis à sac, déchiquetés ou tronqués. Ces livres peuvent n'être plus consultables, ils peuvent n'exister que dans le souvenir imprécis d'un lecteur ou dans la mémoire, plus imprécise encore, de la tradition et de la légende, mais ils ont acquis une sorte d'immortalité.
«  Nous n'avons que du mépris, écrit Tacite au 1er siècle, pour l'aveuglement de ceux qui croient pouvoir, d'un geste arrogant, éteindre jusqu'à la mémoire de la postérité. En réalité, leur sentence augmente le prestige des nobles intelligences qu'ils souhaitent réduire au silence, et des potentats étrangers, ou tous autres, qui ont appliqué semblable violence n'ont rien obtenu que la honte pour eux-mêmes et une renommée durable pour leurs ennemis. »
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D'un bout à l'autre de l'histoire, les gens confrontés à l'insupportable rappel des horreurs qu'ils ont commises – bourreaux, assassins, détenteurs impitoyables du pouvoir, bureaucrates d'une abjecte obéissance – répondent rarement à la question : pourquoi ? Leurs visages impassibles rejettent toute admission de culpabilité, ne reflètent rien que le refus d'aller du passé de leurs actes à leurs conséquences.
[…]
Si le temps s'écoule sans fin, ainsi que le suggèrent les mystérieuses connections existant entre les livres, en répétant de siècle en siècle ses thèmes et ses découvertes, alors chaque méfait, chaque trahison, chaque mauvaise action finira par rencontrer ses véritables conséquences. Après la fin de l'histoire, juste au-delà du seuil de ma bibliothèque, Carthage se relèvera malgré le sel répandu par les Romains. Don Juan affrontera les angoisses de Dona Elvira. Brutus se retrouvera face au fantôme de César, et chaque bourreau devra implorer le pardon de sa victime afin que s'accomplisse l'inévitable cycle du temps.
Ma bibliothèque m'autorise ce rêve irréalisable. Mais, bien entendu, pour les victimes, aucune raison, littéraire ou autre, ne peut excuser ni expier les actes de leurs bourreaux. Nick Caistor, dans son avant-propos à l'édition anglaise de Nunca más (Jamais plus), le rapport sur les « disparus » pendant la dictature militaire argentine, nous rappelle que les histoires qui finissent par arriver jusqu'à nous ne sont que les comptes rendus des survivants. «  On ne peut que se demander, dit Caistor, quels récits d'atrocités les milliers de morts ont emportés avec eux dans leurs tombes anonymes. »
On comprend difficilement comment des gens continuent à accomplir les gestes de la vie quotidienne quand la vie même est devenue inhumaine ; comment, dans la famine et la maladie, les brutalités et les massacres, des hommes et des femmes restent attachés à des rituels civilisés de courtoisie et de bienveillance, continuent à inventer des stratagèmes de survie au nom d'un fragment minuscule d'une chose aimée, pour un livre sauvé parmi des milliers, pour une voix qui se fera jusqu'à la fin des temps l'écho des paroles du serviteur de Job : «  Et moi seul j'en ai réchappé pour te le dire. » Tout au long de l'histoire, la bibliothèque du vainqueur se dresse comme un emblème du pouvoir, détenteur de la version officielle, mais la version qui nous hante, c'est l'autre, celle de la bibliothèque en cendres. La bibliothèque des victimes, abandonnée ou détruite, continue à demander : « Comment de tels actes furent-ils possibles ? »
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A notre époque, les méthodes de censure dont disposent les gouvernements sont moins radicales mais toujours efficaces. En mars 1996, le ministre français de la culture, Philippe Douste-Blazy, mécontent de la politique culturelle du maire d'Orange, membre du parti d'extrême droite de Jean-Marie Le Pen, ordonna l'inspection de la bibliothèque municipale de la ville. Publié trois mois plus tard, le rapport concluait que que le maire avait exigé des bibliothécaires d'Orange qu'ils retirent des rayons certains livres et magasines : toutes les publications que les partisans de Le Pen étaient susceptibles de désapprouver, tous les livres d'auteurs critiques du parti et certaines littératures étrangères (des contes populaires d'Afrique du Nord, par exemple) considérées comme ne faisant pas partie de l'authentique héritage culturel français.
Les lecteurs, les censeurs le savent, sont définis par les livres qu'ils lisent. Encore sous le choc du 11 septembre 2001, le congrès des États-Unis fit passer une loi, la section 215 de l'US Patriot Act, qui autorise les agents fédéraux à obtenir des listes de livres empruntés dans n'importe quelle bibliothèque publique ou achetés dans n'importe quelle librairie privée. « Contrairement aux mandats de recherche traditionnels, ces nouveaux pouvoirs n’exigent des enquêteurs aucune preuve de délit, et ne les obligent pas à apporter à un tribunal la preuve que l’individu visé par leur enquête est soupçonné d'un délit. Les employés des bibliothèques ne sont pas autorisés à dire aux intéressés qu'ils font l'objet d'une enquête. » De telles exigences ont amené un certain nombre de bibliothèques aux États-Unis, s'inclinant devant l'autorité, à reconsidérer l'achat de certains titres.
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Parfois, ceux qui se donnent pour tâche de garder l'entrée des réserves de la bibliothèque perçoivent un danger là où d'autres n'en voient pas. Pendant la chasse aux « élément subversifs » sous les régimes militaires en Argentine, en Uruguay et au Chili, tout possesseur d'un livre « suspect » pouvait être arrêté et détenu sans autre forme de procès. Étaient « suspects » les poèmes de Neruda et de Nazim Hikmet (ils étaient communistes), les romans de Tolstoï et Dostoïevski (ils étaient russes) et tout livre dont le titre comprenait un mot dangereux, comme Le Rouge et le Noir de Stendhal ou les Contes d'amour des samouraïs, un classique japonais du XVIe siècle. Par crainte des descentes de police impromptues, beaucoup de gens brûlèrent leur bibliothèque en allumant des bûchers dans leurs toilettes, et les plombiers furent soudain intrigués par une épidémie affectant les cuvettes des W.C (la chaleur du papier en train de brûler faisait craquer la porcelaine).
« Il a des enfants qui l'ont vu brûler ses livres » est la définition que donne l'écrivain German Garcia de la génération de ces gens qui furent tués, torturés ou contraints à l'exil.
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