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Critique de Bigmammy


Le destin tragique de la famille arménienne de l'auteur se poursuit après leur arrivée en France à Meudon.

Nous les retrouvons en 1947, au coeur d'une petite communauté arménienne : Araxie et Haïgaz, Haïganouch qui a pris le prénom de sa petite soeur aveugle et dont elle a été séparée par la guerre et surtout son mari, héros de cette terrifiante cette saga : Agop.

Succombant aux promesses fallacieuses de Staline et rêvant de reconstruire une Arménie libre au sein de l'Union soviétique, cédant aux encouragements de ses camarades du Parti communiste français tout puissant en ces lendemains de guerre, Agop embarque à Marseille sur un navire affrêté par les Russes en compagnie de milliers d'Arméniens, avec l'objectif de préparer la venue de sa femme et de ses deux enfants dans ce nouveau foyer national qui sera enfin le leur.

Il s'est jeté lui-même dans la gueule du loup car dès leur arrivée, ces immigrants sont traités comme des traitres, pourchassés comme espions des régimes occidentaux, piégés entre camps de travail, chantiers de construction de voies de chemin de fer à même le pergélisol ou de creusement de canaux non navigables, torturés, frigorifiés, mis au cachot, asservis et affamés, broyés par le système du Goulag. Tout comme les Alsaciens enrôlés de force dans l'armée allemande – les « malgré nous » - puis capturés par les troupes soviétiques, ou comme les prisonniers russes libérés par les armées occidentales après la défaite allemande et qui sont considérés comme des collabos et assassinés par milliers à leur retour en Union soviétique.

L'enfer soviétique décrit par Patrick Manoukian n'a rien à envier à La vingt-cinquième heure de Virgil Gheorghiu qui m'avait tant remuée dans ma jeunesse, ni à l'oeuvre d'Alexandre Soljenitsyne. La maîtrise d'un peuple par la peur, la délation et le chantage, la corruption, l'arbitraire, la violence gratuite omniprésente, les séparations de familles, les déplacements de populations systématiques. Même après la mort de Staline en mars 1953, rien ne change. La vie des autres ne compte pas.

Pour ma part, je n'ai rien découvert de ces horreurs : à partir de 1944, mon père qui était Courrier diplomatique se rendait tous les trimestres à Moscou et racontait ensuite ce qu'il y voyait. Il s'y était fait un très fidèle ami, le journaliste correspondant permanent de l'Agence France Presse à Moscou Jean Nau, celui qui eut le scoop de l'annonce de la mort de Staline …

L'histoire qui nous est contée est si abracadabrantesque qu'elle ne peut qu'être vraie. L'oubli par la France de ses ressortissants piégés en Arménie soviétique aussi. Mais comment s'opposer à l'URSS ? Il est bon de replonger dans cette histoire épouvantable en ayant en perspective les conflits (au Caucase, en Ukraine) qui se déroulent sous nos yeux.

Le roman, parsemé de musiques et de poésie, s'achève par un nouveau suspens : vivement le troisième tome de la série !
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