Un homme seul

Dans la rue, les gens portaient des vêtements plus légers. Blousons et doudounes jusqu'au genoux avaient cédé le pas à des vestes coupe-vent et à des pantalons verts, rouges, jaunes et bleus. Tout le monde s'était rempli de couleurs comme autant de fleurs dans un pré. Peut-être ne s'en rendaient-ils même pas compte, mais à ce moment-là les trottoirs ressemblaient aux champs. (P.215)

Elle lui adressa un clin d'œil et s'en fut. Rocco s'imposa de ne pas regarder son cul tandis qu'elle s'éloignait. Il céda au bout de trois secondes.
Deux hémisphères parfaits. (P.144)

- J'attends toujours le moment où tu me diras: bien! Ce jour là je tenterai ma chance au super loto. (…)
- Ce jour arrivera seulement quand l'eau aura repris ses droits sur la terre ferme et que la planète sera sauvée de l'humanité. (P.109)

Les choses, Rocco les sentait d'abord dans sa peau, il les comprenait ensuite. Il y a des vibrations et des ondes entre les personnes qui valent parfois plus que cent réflexions.(P.43)

Schiavone n'entendit pas le reste. Il était déjà dans le couloir. Il croisa un infirmier.
"Dites, la patiente du 209 a disjoncté.
- Ça me fait une belle jambe ! Pour moi, elle peut même court-circuiter !"
Et le soignant poursuivit sa route.

Prêter de l’argent à des taux astronomiques, puis s’emparer des biens et des entreprises de ses victimes : voilà l’activité de Domenico Cuntrera.

On aurait dit qu’il priait. Mais il réfléchissait. La nuit était silencieuse. Quelqu’un ronflait. Un autre toussait. Un amas d’hommes seuls et oubliés cherchait comme lui le sommeil. Sergio se tourna vers le lit vide, celui qui avait été pendant quelques jours celui de Mimmo Cuntrera. Ils avaient emporté les draps et le fin matelas était enroulé, laissant à nu le sommier métallique. Les deux autres occupants de la cellule semblaient avoir sombré dans le sommeil. La lueur de la lune léchait les murs et se réfléchissait sur les grilles de la fenêtre peintes en vert. L’eau de la chasse des petites toilettes gargouillait. Il prit une profonde inspiration. Il essaya de fermer les yeux, d’abandonner ses préoccupations et de faire comme si la chasse des toilettes à la turque était une source de haute montagne, fraîche et potable.

Ça fait vingt-cinq ans que je travaille en prison, monsieur, et les causes des bagarres sont toujours les mêmes. Argent, trafic de stupéfiants, cigarettes, ne pas avoir respecté la hiérarchie. Ici, à l’intérieur, tout un monde se crée, vous savez ? Ils s’entre-tuent pour se faire respecter. Il y a une échelle de pouvoir, et le professeur et ses deux sbires sont très haut placés. De toute évidence, Omar n’a pas honoré un engagement. Ou bien il leur devait de l’argent. »

Les chiens n’ont pas le sens du temps. Que leur maître s’absente cinq minutes ou vingt ans, comme Ulysse, pour eux c’est la même chose. Surtout pour les chiens comme Lupa qui ne font plus confiance aux hommes.

Ils savaient que la pègre romaine avait toujours eu cette limite : elle fait de l’esbroufe. Elle garde le menton haut et fier quand il faudrait se cacher et va se tapir tel un rat dans les égouts quand elle pourrait se vanter de ses exploits. Biga devait avoir dépassé soixante-dix ans et à présent, après toutes ces années passées à l’ombre, il se sentait protégé, intouchable. Du moins à Rome.