Citations sur Anthologie de poésie arabe contemporaine : Edition bili.. (27)
Lana Almajaly – poétesse jordanienne
Si j’étais ...
Ah si j’étais au bout de la nuit
Une brise qui
Parfois s’élève dans ta poitrine …
Parfois disparaît …
Parfois oscille… !
Ah si toutes les portes de la cité
Se ferment
Et une seule porte dans ton cœur
S’ouvre !
Maya Sabah – poétesse syrienne
Mon cœur
Mon cœur est aussi impuissant
Que le fleuve
Inaccessible à toutes les parties
Et la chute creuse son cours
De la fin de la source
Jusqu’au début de la mer
Afiaa AlAsadi – poétesse irakienne
Amoureux passionné
Je t’aime le soir
Et chaque fois que le jour
Frappe avec ses soleils
A mes fenêtres
Et chaque fois que les oiseaux
De mes yeux en pleurs
Se posent sur les paupières
Comme un amoureux passionné
Et sa mariée
Fatma Benfdhila. Poétesse tunisienne
Ton amour - ô mon maître !
Sème l’alphabet
Chaque soir
Sur le tapis de prière de mon cœur
Nous lustrons les lettres ,
Les polissons
Et les trempons
Dans les récipients de la lumière argentée
Puis avec les derniers fils des ténèbres
Nous les libérons
Sous forme d’essaims
De papillons blancs .
JE T’AIME
Je t’aime…mille ans de jasmin
Je t’aime …autant de fois
Que le nombre des vagabonds
Dans mon pays attristé
JE T’AIME …je la construis
Sous forme d’une tour
Faite de larmes de pauvres
Étanchant la soif des vieilles ruelles
Et lavant les péchés des guerres
Tachées du sang des innocents
J’ai tissé pour toi sept ciels de poésie
Dont les portes sont faites de musc
Et gardées par une lune …
De la dynastie de ton visage…
Dans l’apside de chaque ciel il y a un verre
Et un moine dont les prières sont du vin
Je t’aime…mille ans de débâcle …
Et de traîtrise dont vit mon pays
Lorsque je t’écris le soleil se refroidit
Et les temples entonnent des chants religieux
Composés par de la terre pétrie avec la pluie
Toutes mes couleurs …sont tes yeux
Tous mes miroirs…sont ton âme
Et toutes mes aires …sont ton blé
Helmi Salem
Traversée
Une fenêtre mi-
ouverte
donne
sur
une cour où des enfants tirent un rêve d’une intense blancheur. Au café de la gare, un pessimisme met ses pieds sur la chaise
et
autour
de tout ça,
des signes éparpillés par l’air.
Dans la fenêtre, quelque passage et un rideau d’où sort la nuit.
Hiver étroit.
Le sens raccommode toutes ces choses — toutes ces choses que je courtise depuis l’été dernier. Et par hasard,
je rencontre un bruissement qui me rappelle une femme portant derrière elle
un ciel
second.
Helmi Salem
Soir
En vain,
le soir. Le soir qui. Le soir, comme si un oubli ou une hésitation.
Sans
forme. La journée entière monte la veille. Chambres. Cadavres sans signatures. Ce qui souffle souffle et ce qui ne souffle pas aussi. Chambres
que vêt un espace noir. Une main, autour de lui, brode une aube mensongère. Quelqu’un entre une semaine de cendre et de pierre. Les écrans abondent
statistiques.
Quels
sont ces tuniques qui arborent le blanc comme métaphore du sang et arborées par la barbe d’un vieux
et ce bredouillis
qui risque de tuer l’éternité,
dit l’étranger.
— En lui des fenêtres ombrées d’un songe
plus
étrange. Quel exil — celui-là
qui ouvre la porte de la pensée
comme
s’ouvre une blessure entre les cuisses d’une terre
une guerre passe et une encre
préserve ses noms
sur
des tables. Tables comme tombes.
Tout ceci. Tout ceci, est-il en vain ? Il reste une pierre sur le bord du
Réel. Ouverte. Comme un soupir.
Réel second.
Traduction de l’arabe par l’auteur
Mohamed El Amraoui
Casa desertica
Elle sortira, ce soir,
tenant sous le bras sa tristesse
Comme on tient un cartable
Elle prendra l’un de ces bus du Repos-harassant
vers les rues agitées de la ville
migratrice tel un oiseau
errante telle une antilope
elle s’assiéra dans un coin délabré
comme la prostituée du désert
promenant son regard
dans l’attente du prochain venu
avec la nuit, les chevaux, les caravanes
Elle aura deux palais pour s’enivrer:
un palais dans le ciel
et un autre au paradis du festin
abondant de repas succulents et de vins exquis
avec la famille, les visiteurs, proches et éloignés,
dans les belles rues de sa ville ouvrière
rue des Lumières – où il n’y a ni eau ni électricité,
rue de la Félicité, rue de l’Espérance,
rue du Bonheur, rue des Pauvres
ou rue du Chérif sans chérifs, aucun
et elle boira jusqu’à voir se rétrécir l’espace
elle pleurera jusqu’aux rires
sèchera ses larmes
Et elle dansera, dansera
folle-sage,
tendre, douce,
s’enroulant autour d’un feu diabolique
d’où suinte le sang
goutte à goutte
comme d’une grillade
devant les bouches baveuses de créatures chimériques
qui s’entre-dévorent
et les clients trinquent
parient sur elle
et lui promettent les trésors des cieux
tandis que dans la ville, il n’y a ni dieu
ni prophètes
Rien que martyrs
et assassins
Traduction de l’arabe (Maroc) : Mohamed El Amraoui
et Catherine Charruau
Driss El Meliani
Tente de poussière
2A nouveau, les barques défoncées raccommodent l’embouchure des rivières avec leurs aiguilles dorées tandis que l’automne tisse des points d’interrogation sur le visage des passants. Des oiseaux rares rôdent en traversant le ciel et leurs fientes tombent (viennent échouer) sur le front des matinées moroses. J’entrevois de bien funestes augures dans le regard d’un ramier mourant. Diffusées par une radio moussue, des nouvelles confuses de ma destinée, elle-même plus confuse encore. Il m’arrive quelquefois de m’installer aux côtés des gardiens de l’herbe sous la feuillée de mythes gigantesques, tandis que mon souffle haletant s’infiltre dans la gorge profonde de la montagne. D’autres fois, il me suffit d’écouter le cliquetis des clefs métalliques. Si je veux, je peux aussi me rendre à cette grotte lointaine où des savants invalides déchiffrent les énigmes du mouvement des prés. Ou encore aller tenir compagnie à l’ami qui travaille au gisement des larmes noires afin de nous laisser un peu surprendre par la genèse des météores et par les pleurs des pierres orphelines. Mais un soir, des chasseurs retors lui ont tendu une embuscade dans la tente de poussière. Dès lors, j’ai tellement scruté les colonnes vertébrales qui bourdonnent dans un bar et puis chaque mot qui hennit sous ma fenêtre, que j’en oubliai ses traits. Et il en fut ainsi jusqu’à ce que mon chant se perde dans les galeries d’eau. Le sang des écureuils a continué de me rendre visite et puis aussi le messager de l’amertume qui m’apportait des lettres aux allures de chaînes et des cartes postales où les corbeaux toussaient. Les laboureurs des vagues fertiles sortirent de leurs cabanes du fond de l’océan pour protester dans une manifestation qui allait de la place de la grande douleur jusqu’au siège où l’os éclatant réside. Les bergers aveugles vinrent aussi. Et les pipes damnées. Et les prépositions menacées de famine... En ce temps-là, les arrière-ruelles s’enroulaient au cou des farouches gazelles, les astres fougueux se faufilaient dans le pharynx d’un ange endormi. J’ai longé le fleuve jusque là où les lames de la musique scintillaient. Là où derrière le sable mouvant même le désert rêve de mes lambeaux de chair. Mais il faut que je l’atteigne.
Mbarak Wassat
Elégie de l’amour
Le nuage n’a pas rejoint son nid. La stupeur
n’a pas quitté son ombre. L’étoile ne s’est pas réjouie
de sa nuit. Cet homme n’a pas délaissé sa mort
Tous
ont ouvert à la houle une porte, à la nuit une porte
et mille portes à la guerre
Vous
amis, compagnons
de mon verre. Arrêtez
ce saccage
et puis
je n’aime pas les femmes
qui dessinent avec le vent mes pas
j’aime
toutes les femmes
je n’aime pas
les montagnes qui
frôlent le ciel des redondances. J’aime les ruelles
qui mènent secrètement au cœur, celles
qui lient l’âme à ses marches et m’emportent
jusqu’aux confins de la terre.
Non
pas la terre, je veux dire, mais
lèvres de femme, grappe de raisin,
verre, lune, étreinte me dérobant
le soleil d’août ou encore pluie
inondant mes mains.
Non
pas la nuit,
mais son matin.
Et puis
je n’ai souvenir de rien. J’ai souvenir de mon père
quittant les nues de la vie et son âme
sur le palanquin de notre chagrin. J’ai souvenir de son visage
apaisé. De son corps froid.
De ma stupeur. Où s’en iront, à ma mort,
les femmes que je cache en mon cœur ?
Elsa garderait-elle le séjour éternel de son silence ?
Bouthayna apparaîtrait peut-être dans la cour de la maison
Jocelyne serrerait Layla entre ses bras
Et peut-être feraient-elles cercle autour de moi
pour bavarder un peu.
C’était
un ami de toutes les guerres
dit Elsa
Un compagnon de l’air,
poursuit Jocelyne
Il n’a pas quitté son ombre
C’était un sage
un ami
de
tout
ce vide