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Citations sur Le chenil (5)

Je me souviens qu'en arrivant au sommet de la colline une fois sous les arbres on ne voyait pas le chenil, mais que ça sentait, oui, ça sentait l'odeur des clebs à plein nez mêlée à celle des feuillages et de l'herbe de la forêt d'abord, et puis plus loin plus que l'odeur des clebs, des clebs tu disais comme tous ceux qui travaillaient au chenil. Odeur infecte de bêtes enfermées dans des cages à plusieurs dizaines pendant plusieurs jours, odeur infecte qui finissait par imprégner tous les vêtements, au point que la mère se plaignait de ma puanteur quand je rentrais le soir, tu pues m’avait-elle dit dès le premier soir en guise de salut (ce qui avait au moins l’avantage de remplacer les remarques désagréables qu’elle répétait en boucle depuis des années), odeur infecte qui, le premier jour, m’avait donné envie de gerber, et d’ailleurs j’avais gerbé en sortant du chenil le dernier jour de la première semaine, gerbé à cause de l’odeur qui m’était rentrée dans la gorge sans que je m’en rende compte et avait fini par me rendre malade, gerbé parce que, le dernier jour de la première semaine, j'avais justement découvert la véritable origine de l'odeur que je retrouvais chaque matin en haut de la colline, une fois sous les arbres.
Le premier jour en marchant jusqu'au chenil - une bonne demi-heure depuis le quartier où j'habitais au sud de la ville -, je m'étais dit que cette marche quotidienne me ferait du bien, que cela me ferait de l'exercice après une longue période d'inactivité à traîner dans les rues ou à rester enfermé dans ma chambre, mais dès le premier jour, dès la première ascension de la colline j'avais été saisi par cette odeur de putréfaction animale, oui, c'est ce que je m'étais dit dès le premier jour, cette odeur n'est pas une odeur d'animal vivant, mais d'animal pourrissant quelque part, et sous les arbres déjà j'avais commencé à regarder autour de moi, à chercher un charnier ou je ne sais quel tas de viande en putréfaction, en vain bien sûr, car l'odeur ne provenait pas de la terre couverte de ronces à cet endroit, mais du ciel, oui, l'odeur flottait dans l'air, mais très haut dans l'air, comme suspendue au-dessus du monde, menaçante, et concentrant ses attaques sur cette colline.
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En entendant les premiers aboiements et gémissements des chiens je pensais à ce que la mère avait raconté du chenil, des cages propres, des chiens tranquilles, peu nombreux et en bonne santé, remuant la queue et venant vous lécher la main à travers la grille lorsqu’on s’approchait, la plupart des cages vides avait-elle dit aussi, quand moi en chemin vers le chenil son odeur déjà m’avait envahi et j’entendais que les aboiements furieux se multipliaient à cette heure si matinale, ce qui me faisait penser que les chiens étaient nombreux et que sans doute j’allais découvrir tout à fait autre chose que ce que la mère avant de chantonner m’avait raconté, ou bien avait-elle simplement enjolivé pour que j’aille me perdre dans la forêt en chantonnant moi aussi ?
Les chiens, on les entendait et surtout on les voyait en ville depuis un moment déjà, hagards, affamés et assoiffés, si maigres qu’on leur voyait les côtes, rôdant en bandes généralement, cachés pendant la journée et sortant au coucher du soleil, où se cachaient-ils on l’ignorait, sans doute dans les champs autour des nouveaux quartiers pavillonnaires au sud, là ils avaient un accès direct aux rues et surtout aux jardins dans lesquels ils pénétraient la nuit, cherchant sans doute une porte ouverte pour entrer dans une maison, mais ce qui les attirait le plus c’était les poubelles qu’ils renversaient sur le trottoir, cela nous réveillait en pleine nuit, la mère jurant dans le couloir, allumant la lumière sur le perron et sortant en robe de chambre pour crier et effrayer les pauvres bêtes qui avaient déjà fui, affolées par le fracas des boîtes de conserve sur le bitume que l’une d’entre elles parfois saisissait dans sa gueule pour aller en lécher l’intérieur cachée dans un fourré, la mère était persuadée que les chiens cherchaient à rentrer dans la maison et même en été ne laissait jamais une fenêtre ouverte, et peut-être avait-elle raison, peut-être les chiens cherchaient-ils à rentrer dans les maisons pour y voler quelque chose, voire pour y attaquer les habitants, les journaux répandant régulièrement des histoires de chien féroce qui avait égorgé un enfant endormi dans son lit avant de s’enfuir par la fenêtre, mais c’était dans d’autres villes, jamais chez nous, et étions-nous sûrs que c’était vrai ? On essayait de les chasser, mais comme certains fantômes dans nos rêves ils revenaient toujours, la gueule grande ouverte parce qu’ils avaient soif, les yeux fixés sur nos maisons quand ils réapparaissaient en fin de journée, errant dans les rues désertes du quartier pavillonnaire où tout le monde - même avant que les chiens ne soient venus - se calfeutrait chez soi dès que la nuit venait.
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j’avais découvert la véritable origine de l’odeur que je retrouvais chaque matin en haut de la colline, une fois sous les arbres.
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"Chaque soir quand la mère me bastonnait, des images revenaient, images floues au début puis de plus en plus distinctes..."
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https://www.youtube.com/watch?v=8Xbq6tRXK8A
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