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Citations sur Un coeur si blanc (37)

"Je ne sais pas comment tu peux encore aller à tes affaires avec Juana malade. Je ne sais pas comment tu fais pour ne pas te mettre à prier ou à croiser les doigts chaque fois que ta femme prend un rhume. Tu en as déjà perdu deux, mon fils." Je me souvins ou crus me souvenir qu'aussitôt après ma grand-mère porta la main à sa bouche, la bâillonna un instant comme pour s'empêcher de dire les mots qu'elle avait dits et que j'avais entendus sans y porter alors la moindre attention, ou peut-être l'avais-je fait uniquement - comme il apparaît maintenant - parce qu'elle avait fait ce geste pour les supprimer.
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C'est l'inconvénient de tout événement non enregistré, ou pire, ni su ni vu ni entendu, car il n'y a plus aucun moyen de le restituer. Le jour où nous n'étions pas ensemble ne nous verra jamais réunis, ce qu'on allait nous dire au téléphone que nous n'avons pas décroché ne sera jamais dit, pas la même chose et pas dans le même esprit ; et tout sera légèrement différent ou radicalement, faute d'avoir osé répondre, par indécision. Mais même si nous étions ensemble ce jour-là, si nous étions à la maison quand on a appelé, ou si nous nous sommes décidés à répondre en faisant taire nos craintes et en oubliant le risque, rien de tout cela ne se répétera, et viendra le moment où avoir été ensemble équivaudra à ne pas l'avoir été, avoir décroché le téléphone à ne l'avoir pas fait, et s'être décidé à répondre à s'être tu.
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Mon père nous conta plusieurs anecdotes inconnues de moi, comme celle d'un faussaire vénitien de petites vierges romanes d'ivoire sculpté, qu'une fois achevées avec talent, il plaçait dans le soutien-gorge de sa femme, un énorme soutien-gorge; les sécrétions de sa poitrine (abondantes) et la transpiration des aisselles (forte) donnaient à ces statuettes une patine parfaite.
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Ecouter est des plus dangereux, c'est savoir, avoir connaissance et être au courant, les oreilles n'ont pas de paupières qui puissent se clore d'instinct à ce qui est prononcé, elles ne peuvent se préserver de ce que l'on pressent que l'on va entendre, il est toujours trop tard.
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L'autre trait remarquable du visage de Ranz et le seul que j'ai hérité était sa bouche, charnue et d'un contour trop net, comme si elle eût été ajoutée au dernier moment et qu'elle appartint à une autre personne, légèrement incongrue par rapport aux autres traits, séparée d'eux, une bouche de femme dans un visage d'homme, comme on me l'a souvent dit de la mienne, une bouche féminine et rouge qui viendrait de je ne sais quelle bisaïeule ou ancêtre, quelque coquette qui se refusa à ce qu'elle disparût de ce monde avec elle et qui nous la transmit, sans considération de notre sexe.
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[...] ... Je ne dis rien, je ne posai pas de questions et je ne l'ai toujours pas fait, plus le temps passera, plus cela sera improbable et difficile. On laisse passer un jour sans parler, puis deux, puis une semaine, puis les mois s'accumulent insensiblement, et la manifestation du soupçon s'estompe si celui-ci ne s'accroît pas, sans doute espère-t-on que lui aussi se changera en passé, en quelque chose de véniel ou de naïf qui nous fera sourire peut-être. Pendant des jours, avant de me coucher, j'ai regardé par la fenêtre de mon bureau, vers le coin, en bas ; mais Custardoy ne réapparut pas dans les nuits qui suivirent, et lorsque je le revis, ce fut chez moi, en haut, un moment. Mon père était venu vers huit heures et demie prendre un verre avec Luisa et moi avant de s'en aller à je ne sais quel dîner où Custardoy l'invitait, le Jeune [Custardoy] vint donc le chercher un peu avant dix heures. Il s'assit quelques minutes, but rapidement une bière et je ne remarquai rien, une légère familiarité récente entre Custardoy et Luisa mais à travers mon père, ils avaient fait connaissance en mon absence, par son intermédiaire, en sa présence les deux ou trois fois, c'était tout, ou c'est ce qu'il me sembla. Il y avait bien davantage de familiarité entre Ranz [père du narrateur] et Luisa, eux en revanche s'étaient vus seuls et souvent, mon père l'avait accompagnée dans ses achats pour la fallacieuse maison, il l'avait emmenée déjeuner ou dîner, il lui avait donné des conseils (un homme de goût, un expert en art), il était évident qu'ils s'estimaient, ils se divertissaient l'un l'autre. ... [...]
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[...] ... Et ma hâte venait de ce que j'avais conscience que ce que je n'entendais pas maintenant, je ne l'entendrai jamais ; il n'y aurait pas de répétition, comme quand on écoute une bande magnétique ou que l'on voit une vidéo et que l'on peut revenir en arrière, chaque chuchotement non appréhendé, non compris, se perdrait à jamais. C'est l'inconvénient de tout événement non enregistré, ou pire, ni su ni vu ni entendu, car il n'y a plus aucun moyen de le restituer. Le jour où nous n'étions pas ensemble ne nous verra jamais réunis, ce qu'on allait nous dire au téléphone que nous n'avons pas décroché ne sera jamais dit, pas la même chose et pas dans le même esprit ; et tout sera légèrement différent ou radicalement, faute d'avoir osé répondre, par indécision. Mais même si nous étions ensemble ce jour-là, si nous étions à la maison quand on a appelé, ou si nous nous sommes décidés à répondre en faisant taire nos craintes, et en oubliant le risque, rien de tout cela ne se répétera, et viendra le moment où avoir été ensemble équivaudra à ne pas l'avoir été, avoir décroché le téléphone à ne l'avoir pas fait, et s'être décidé à répondre à s'être tu. Même les choses les plus ineffaçables ont leur temps, comme celles qui ne laissent pas de traces ou n'ont pas lieu, et si le sachant nous les notons, les enregistrons ou les filmons, si nous multiplions les aide-mémoire, en essayant même de remplacer ce qui est arrivé par les notes prises, l'enregistrement ou l'image de ce qui s'est passé, en sorte que ce qui arrive réellement depuis le début soit ce qui a été noté, enregistré ou filmé et rien d'autre, même dans ce perfectionnement infini de la répétition nous aurons perdu le temps pendant lequel les choses ont vraiment eu lieu (même si c'est le temps de l'enregistrement) ; ... [...]
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Se taire et parler sont des façons d’intervenir sur l’avenir.
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Cette nuit-là en arrivant à l’appartement, nous avons parlé Luisa et moi, brièvement il est vrai et seulement une fois couchés, après deux trajets en taxi. Mais il ne sert plus à rien de parler de cette soirée, mieux vaut en évoquer une autre qui eut lieu quelques jours plus tard, ou ce qui revient au même, il y a peu de temps, plus exactement le jour de mon retour de Genève, à l’issue – ou presque – de mes huit semaines de séjour laborieux, trois après la soirée sur laquelle il ne sert à rien de revenir. Ou peut-être que si, puisque c’est à ce moment-là que l’accord eut lieu. Ou peut-être que non, puisque ce qui eut lieu trois semaines plus tard ce fut un mélange d’accord et de hasard, de hasard et d’accord, d’un peut-être et d’un qui sait.
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"...c'est le seul avantage de la répétition, elle distord tout et rende tout familier, ce qui répugne dans la vie finit pour attirer si on le voit assez souvent sur un écran de television"...
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