Citations sur Irrécupérables (31)
L’homme se mit à rire bêtement, comme un gamin sadique qui vient d’arracher ses fines pattes à une araignée.
Mazenc gardait la tête froide. Ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir pris au piège.
La rencontre avec un suspect est irremplaçable. On quitte enfin probabilités et conjectures pour du concret. Dans le cas présent, c’était son premier contact avec un criminel de cette envergure. De calibre national, connu partout. Le coincer, c’était soudain jouer dans les ligues majeures.
L’autopsie avait révélé qu’ils avaient été atteints par des balles de 270 Winchester. Tant qu’à tuer, autant y aller avec du gros calibre. Il était un peu tard pour se sentir mal; néanmoins, le rappel du carnage familial devait lui donner la nausée, certainement. Des remords?
Trop de mystères planaient encore sur le triple meurtre de la Côte-Nord. Richard avait fui et se planquait, ça l’accusait, mais une question demeurait sans réponse dans ce dossier: le mobile. Pas question de le voir mourir dans un accident de la route avant d’avoir appris la vérité.
Les lieux révélaient une vie de célibataire aussi flagrante que ses bobettes mises à sécher dehors. Les pièces étaient blanches, vides, glaciales. On risquait de s’enrhumer tellement il s’en dégageait de la froideur. Un tel dénuement était peut-être calculé, pour décourager d’éventuels acheteurs et demeurer plus longtemps sur place.
Les langues sales prétendent qu’ils auraient en fait le même père. Va savoir. En tout cas, ils ont grandi comme deux frères, sont allés à l’école au village. Pas des mauvais gars non plus. Ils travaillent et finissent par payer leurs taxes. Mais ils sont un peu… malengueulés?
Le journaliste d’un quotidien à sensation avait écrit une série d’articles concernant un trafic d’armes – AK-47 et stocks de munitions –, mais aussi de Fentanyl. Les meurtres seraient une punition de la part des trafiquants, un avertissement lancé à ceux qui ne respectaient pas les lois du milieu. Mais rien de fondé ni de prouvé, juste de la matière à vendre du papier.
L’amour de Nathalie pour les armes était un fait connu. Une de ses amies, qui visitait parfois les Lenoir au chalet, raconta au sergent Vigneault qu’elle s’entraînait souvent avec la Sako de son père. Aurait-elle tiré sur son frère et sa mère et se serait-elle suicidée ensuite? Impossible: l’arme avait été retrouvée à cinquante mètres de son corps.
L’occasion était trop belle, trop incroyable, pour que Mazenc la laisse passer. Pour une fois que la chance lui souriait! Ça faisait un bail qu’il attendait ça et sa semaine de congé tombait à point.
Ce n’était pas réglo, mais il résolut de prendre le temps nécessaire pour évaluer ses options. Pouvait-il appréhender Richard Lenoir sans aide extérieure? Risquait-il de perdre toute crédibilité en agissant seul?