Faisons tout avec tranquilité ; n'éprouvons d'émotion que devant les beaux ouvrages ou les belles actions. Travaillons avec calme et sans presse. Sitôt que la sueur commence à me gagner et mon sang à s'impatienter, tiens-toi en garde. La peinture lâche est la peinture d'un lâche.
Une chose m'afflige, je ne sais pas à quoi l'attribuer ; j'ai besoin de distractions, telle que réunions entre amis, etc. Quant aux sédutions qui dérangent la plupart des hommes, je n'en ai jamais été bien inquiété, et aujourd'hui moins que jamais. Qui le croirait ? Ce qu'il y a de plus réel pour moi, ce sont les illusions que je crée avec ma peinture. Le reste est sable mouvant.
Le bonheur d'un homme qui sent la nature, c'est de la rendre.
Cent fois donc heureux celui qui la réfléchit, comme un miroir sans s'en douter, qui fait la chose pour l'amour de la chose et non pas de la prétention d'être le premier.
Ce séjour à Valmont est une veillée d'armes pour le guerrier du Beau, qui mène ici un autre combat: celui qu'il livre, depuis sa jeunesse, contre la nostalgie, la douleur exquise de ressentir trop vivement qui sont l'apanage des âmes ardentes.
La tristesse gît dans la douceur des choses. Delacroix si sensible à la beauté, craint de ne pouvoir la dire: c'est le supplice de l'artiste. Ces ciels si purs, ces bleus, ces rouges qui ne mentent pas lui tournent la tête. réchappé de la grisaille, le voici au bagne du beau, parmi les merveilles de cet éden en couleurs: il faudrait peindre comme un forcené pour fixer son image.
Delacroix, coloriste du désastre fidèle à sa manière, nous plonge dans la fournaise d'un jour d'été, parmi les balles qui sifflent, sur les barricades où la mort, prix à payer de l'héroïsme, rôde et frappe au hasard.
Les audaces des massacres de Scio paraissent bien timides en comparaison. L'incendie, dont on ne voit pas les flammes alors qu'elles embrasent les rouges du tableau, met le feu aux conventions de la peinture d'histoire. On dirait un cauchemar de Victor Hugo peint par Rubens. les corps se tordent, se convulsent. le sol disparaît sous les ors, les pierreries, les objets épars.