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Critique de VincentGloeckler


Une formidable épopée nomade par un auteur qui a lui-même décidé de se rendre nomade, abandonnant métier et attaches il y a deux ans pour prendre le chemin d'une errance sans but, qui a pu, entre l'Asie centrale et la Patagonie, engendrer le désir de conter et l'écriture de ce livre… Parmi les textes évoquant, avec autant de respect que de poésie, la mémoire historique et la culture des Tsiganes, on appréciait beaucoup le Tsiganes, sur la route avec les Roms Lavera de Jan Yoors (Phébus, 2004) ou, plus récemment, le magnifique N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola Pigani, où celle-ci racontait sa rencontre d'enfance avec ces gens du voyage dans son coin de Charente. le livre d'Alain Mascaro les rejoint désormais dans notre admiration, parce qu'il redonne, à travers l'histoire d'une poignée d'hommes, tout son lustre de fierté à cette communauté, rappelant à quel point elle a pu sans cesse être ostracisée et humiliée et, cependant, garder farouchement entier son goût de la liberté, porter haut son panache au-dessus de la misère. Tout commence autour d'un feu, une de ces brasées rituelles qui rythmeront le cours du récit… le jour où le grand-père d'Anton meurt, et où l'on brûle sa roulotte pour empêcher qu'il ne revienne hanter ses proches, Svetan, son père, apprend qu'il donnera bientôt naissance à ce fils, à qui il prédit un avenir de grand dresseur de chevaux, le voyant parcourir le monde, souvent seul et loin de sa famille du petit cirque. L'enfant naît et grandit parmi ces gens de la kumpania, s'éprenant de la musique de Jag, le violoniste, apprenant à lire contre l'avis même de son père, découvrant peu à peu toute la vulnérabilité de son peuple. Bientôt l'arrivée des soldats nazis en Autriche, où le cirque circulait alors, sonne le glas de tout espoir. Tandis que certains des siens sont enfermés dans des camps, où l'on sait quel sort – « Porajmos, l'engloutissement, la dévoration » …- leur est réservé, Anton entame une longue errance à travers l'Europe, un voyage souvent sinistre et malheureux, mais ponctué de rencontres enrichissantes, avec Simon, un médecin philosophe, Katok le sage et plus tard, le colonel américain Wittgenstein, avec qui il quittera le camp de Mauthausen et qui l'accueillera dans son ranch, aux Etats-Unis. Mais ce n'est que le début d'une nouvelle errance, qui emmènera Anton jusqu'en Inde… A travers le voyage de son dresseur de chevaux, ce « fils du vent » que rien n'entrave, et tout l'univers culturels des Tsiganes qu'il dépeint autour de cette aventure, c'est aussi de notre monde que parle Alain Mascaro, de notre peur de l'étranger, de notre tentation du repli. Une oeuvre forte, oui, à lire d'urgence, alors, avant que ce monde, le nôtre, ne se ferme… pour y trouver les mots, un feu, une musique de violon peut-être, les armes pour empêcher ce destin-là ?

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