Citations sur L'aquarelliste (10)
Viorne: le mot lui roule sur la langue comme une baie mûre, et, prenant papier et crayon, elle se demande ce qui est le plus beau, de la plante ou de son nom. En cela, réfléchit-elle, peut-être la poésie est-elle un art supérieur, car elle nomme les choses par leur son et, une fois écrite, par le signe; alors que son art à elle est muet: il n'interpelle qu'un seul sens, et ne sonne jamais. Sauf quand je déchire un feuillet en mille morceaux, se dit-elle, écoutant en esprit le sifflement du papier gaspillé.
...une étoile comme un petit baiser de lumière.
C'est un jardin de campagne, ni italien ni français, différent de tous les autres : un bâtard dont la mère se nommerait beauté et le père expérience; il n'a pas le charme de ses frères anglais, où les fleurs les plus rares ont l'allure dépeignée des herbes folles, où les roses s'appuient aux troncs comme des demoiselles fatiguées, et où d'improbables prés couleur d'émeraude s'étendent, compacts et embellis d'humidité. C'est aussi un jardin plein de contradictions, comme son propriétaire : grandiose et humble à la fois, populaire et altier
Elle ne comprend pas que certaines vérités ne sont pas faites pour flotter au vent comme des bannières, mais doivent plutôt rester repliées au fond de malles oubliées.
Jusqu'où doit-on renoncer à la sincérité pour le bénéfice des bonnes manières ?
Il y a aussi des jours qui commencent de la pire façon et ne peuvent que s'améliorer, quand la colère, la frustration et cette rancoeur qui vous pousse à détester tout le monde, à commencer par vous-même, se font jour avec l'aube, puis se dissolvent comme givre au soleil.
Les fleurs, molles et mouillées, dans leurs cadres vert et dorés ; les feuilles, mortes depuis longtemps quand on contemple leur portrait suspendu au mur : tout cela est si gracieusement imité, et si vain ! Car dans la vie réelle, tout cela vaut beaucoup mieux en vrai qu’en effigie. Au contraire, les histoires écrites sont plus fortes, plus colorées, plus vivantes que la vie ; et comme si cela ne suffisait pas, les pages qui les accueillent sont prêtes à prendre et reprendre vie chaque fois qu’on y pose les yeux. p.71-72.
En voyageant, elle est une autre : non celle qu’elle a toujours été, non celle qu’on attend et à qui on s’attend à l’arrivée. En suspens. Et elle a toujours eu cette sensation précise, même avec son père à son côté, quand ils étaient loin de chez eux, libres ensemble, définis seulement par le lien qui les unissait. […] A présent, sa voie est tracée, et un puissant aimant attire la voiture vers son but. Qu’on l’appelle destin, ou devoir. Et si une robe de voyage doit être sombre, pour dissimuler la saleté et les taches, elle a tout exprès choisi la sienne claire, pour qu’elle portât bien les empreintes du changement. Son dernier petit défi. p.18.
Tu t'appelles Bianca… parce que nous voulions que tu choisisses toi-même tes couleurs.
C'est que le monde change, les choses changent. Et quand il commence à ne plus vous plaire, cela veut dire que vous ne le comprenez plus. Que vous vieillissez.
L'amour est guerre : occupation imprudente d'un territoire étranger.