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Citations sur L'Étoile de Bombay (4)

Nous longeâmes une voie ferrée, à la course lente avec un train sans portes d’où débordaient des grappes d’hommes. Chaque année, sur le seul réseau ferroviaire de Bombay, on enregistrait entre trois et quatre mille décès, entre électrocutions, chutes mortelles, passants écrasés sur les voies. Sur des centaines de mètres, du street art déroulait ses fresques sur le mur séparant la route de la voie de chemin de fer. Un Batman perplexe interpellé par une grand-mère désemparée se désolait de ne pouvoir faire face aux embouteillages : « Traffic !!! ». Plus loin, des affiches de films bollywoodiens se décollaient, lessivées par les dernières pluies de mousson.
À un carrefour, des odeurs de fruits et de fleurs en décomposition se mêlaient à celles de la poiscaille, au milieu de cageots vides et de blocs de glace finissant de fondre, pour le plus grand bonheur d’oiseaux picorant de fraîches entrailles. Enfin les bâtiments victoriens de l’Oval Maiden achevèrent de nous mettre sur la bonne voie. Mon bras droit se tendit comme dans un songe en direction de Colaba, ranimant en moi le jeune homme qui avait marché des heures durant aux abords du Prince of Wales Museum, du cinéma Regal et bientôt du bord de mer. Le Bentley’s nous espérait sous une voûte verdoyante, dans une rue calme du centre occupée avec nonchalance par des taxis assoupis.
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Rien ne sert de lutter contre le courant. Bombay, la ville où Jules était mort ; l'admiration de Claire pour son grand-père et son amour des bijoux ; et maintenant cette "Étoile de Bombay" qui avait donné son nom à une marque de gin, Bombay Sapphire. Lequel servait de base à la confection d'un cocktail qui, lui, me ramenait à Adèle ... L’Étoile de Bombay : 60 ml de dry gin, 15 ml de sirop de sucre de canne, 6 cubes de cantaloup à écraser à l'aide d'un pilon, un blanc d’œuf et des glaçons. C'était presque trop. Même les dates concordaient : Jules mort en 1919, un an avant le mariage des Brad Pitt-Angelina Jolie du cinéma muet. Jusqu'à cette Étoile de Bombay qui usurpait son nom, extraite en réalité d'une mine au Sri Lanka.
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Très tôt, j’avais accepté l’idée que mon existence soit placée sous le signe d’une étincelante médiocrité. Dénué de tout talent, je n’espérais rien de miraculeux et, de ce point de vue, la vie ne m’avait pas déçu. D’abord hanté par un rêve de jeune homme - coucher avec toutes les femmes de la terre et n’en aimer qu’une seule -, j’avais dû vite en rabattre. Je m’étais alors nourri de maigres espoirs, obtenant des résultats en exacte proportion, et sur le plan sentimental avais entretenu des passions paisibles, qui jamais ne vous brûlent.
J’avais ensuite abordé le second versant de l’existence, d’abord en pente douce puis guettant avec une anxiété croissante les signes annonciateurs qui me feraient dégringoler vers l’abîme. Je rédigeais mes biographies et réduisais nos Classiques avec de moins en moins d’allant mais cette déperdition d’énergie me semblait naturelle, « dans l’ordre des choses ». Quant au sexe, j’avais encore des contacts avec une ou deux vieilles copines qui m’invitaient de moins en moins souvent à dîner avec elles et ne me gardaient plus dans leur lit que pour les grandes occasions, un Noël ou un jour de l’An cafardeux, un anniversaire solitaire, l’attente angoissante des résultats d’un examen médical. Nos mises en train se révélaient bien laborieuses et leur conclusion relevait moins de l’extase que du soulagement d’en avoir fini. Autant dire que rien ne me préparait à affronter l’ouragan Adèle.
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- Oui, dit Ashok.
- Ou alors cette rue-là ?
- Oui, répéta l’Indien, le regard fuyant.
Depuis notre arrivée à l’aéroport de Bombay, il semblait aussi perdu que moi au milieu de cette fourmilière de vingt millions d’habitants. Comble de malchance, notre taxi prépayé devait être le seul à la sortie de Chhatrapati Shivaji à ignorer où se situait le quartier touristique. En pantalon et dhoti blancs, la barbe et les cheveux blancs coupés court, il demanda trois fois son chemin et finit par avouer : « First day driving ! » avec la candeur réjouie du chauffeur débutant qui n’en revient pas de conduire une Hyundai neuve noire et jaune, le plastique encore sur les sièges claquant au vent quand la voiture prenait de la vitesse. Ram Singh pilotait le buste droit, tel le capitaine d’un boutre fendant les flots de la mer d’Oman qui miroitait par instants sur notre droite.
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