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Critique de fanfanouche24


Toute ma reconnaissance à Babelio et aux éditions Gallimard, qui m'ont communiqué le dernier récit traduit de Hisham Matar, écrivain d'origine libyenne. Ecrivain dont j'ignorais jusqu'au nom, et que je lis , grâce à cet envoi et à l' invitation à une rencontre prochaîne de l'auteur...chez son éditeur.


Une lecture aussi captivante que bouleversante, dérangeante. L'écrivain narre l'histoire violente de son pays, La Libye, ainsi que toutes ses richesses culturelles et humaines en narrant également l'histoire de sa famille sur cette terre si malmenée par la dictature de Kadhafi, où le Père, grande personnalité de l'opposition, sera kidnappé, emprisonné... et dont les
deux fils dont notre écrivain passeront plus de 20 ans à réclamer , sans succès, des nouvelles de leur père. L'auteur frappera à toutes les portes, se déplacera pour rencontrer tous les témoins possibles... avec l'espoir chevillé au corps...

Un hommage des plus vibrants à un Père, exceptionnel, courageux, passionné de football, de littérature et de poésie...père et mari aimants, ami fidèle et résistant authentique.Digne fils lui-même de son père, qui se battit et résista aux Italiens et à Mussolini. Hisham Matar dit aussi son affection et son admiration envers ce grand-père paternel...tout aussi impressionnant...

-" Je souhaiterais être le fils de quelque homme heureux
qui dût vieillir sur ses domaines-
au lieu de cela, sa mort demeure à jamais inconnue...

Et , pour la première fois, ces mots familiers, qui furent mes compagnons fidèles durant ces nombreuses années, changèrent de sens et s'étendirent. A présent ils concernaient aussi bien Ulysse que Télémaque; aussi bien le père que le fils; ils exprimaient autant le voeu du fils d'avoir un père qui pût passer le restant de ses jours dans le confort et la dignité de sa propre maison, que le désir d'un fils de pouvoir enfin laisser son père derrière lui, dans sa maison, pour aller de l'avant et s'aventurer dans le monde. Tant qu'Ulysse est absent, Télémaque ne peut quitter le foyer. (p. 317)"

Un texte qui va au-delà du drame personnel de l'auteur, c'est aussi un formidable hommage à tous les résistants de la dictature de Kadhafi , et de toutes les dictatures...du monde, ainsi qu'une description unique du déchirement lancinant de tous les exilés de la terre....

"Y retourner, après toutes ces années, était une mauvaise idée, pensai-je soudain. Ma famille en était partie en 1979, trente-trois ans plus tôt. Telle était la mesure du gouffre qui me séparait aujourd'hui du garçon huit ans que j'étais alors. (...)Ce genre de voyage était évidemment risqué. Il pourrait me priver d'une aptitude que j'avais acquise au prix d'un long travail: vivre loin des gens et des lieux que j'aime. Joseph Borodsky avait raison. Nabokov et Conrad aussi. Ces artistes n'étaient jamais retournés chez eux. Chacun d'eux, à sa manière, avait tenté de se guérir de son pays. Ce qu'on laisse derrière soi se dissout. Si l'on y retourne, on se confronte forcément à l'absence ou à la défiguration de ce que l'on a chéri. Mais Dimitri Chostakovitch, Boris Pasternak et Naguib Mahfouz avaient raison, eux aussi: ne quittez jamais votre patrie. Si vous la quittez, ce qui vous lie à la source sera brisé. Vous serez comme le tronc d'un arbre mort, dur et creux.
Que fait-on lorsqu'on ne peut ni partir ni revenir ?" (p. 14-15)

Cet ouvrage m'a aussi appris mille choses sur l'histoire de la Libye, de sa culture, de ses traditions, usages, jusqu'à un architecte italien, Guido Ferrazza , qui oeuvra pour la ville de Benghazi, sans oublier la place vitale, nourrissante de la poésie, et de la littérature que partagent ce père "manquant" et le fils.

Un moment très fort dans ce récit: lorsque notre auteur découvre
des nouvelles écrites par son père, alors qu'il était tout jeune étudiant...

"Rien ne semblait pouvoir le[ le Père] réjouir davantage que la présence de la poésie. Un beau vers le réconfortait, remettait le monde en ordre un instant. Il était à la fois ravivé et encouragé par le langage." (p. 84)

Un livre exceptionnel et une lecture dense, bouleversante, remuante... qui resteront longtemps dans ma mémoire...

[N.B. J'éprouve également l'élan de lire et découvrir les deux écrits précédents d'Hisham Matar, dont "Anatomie d'une disparition", qui doit paraître de plus , en format poche, le 19 janvier prochain [ en Folio, si mes souvenirs sont exacts]

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