Elle aurait pu mettre les vêtements les plus sobres, cela n'aurait sans doute rien changé. Le sex-appeal qu'elle aurait essayé d'atténuer n'en aurait été que plus perceptible. Cela faisait partie de son corps et n'avait rien à voir avec ses vêtements. Eiko avait été une jeune femme aimable et plutôt expansive, ensuite son attitude lui avait semblé empreinte de séduction. De fait, même lui, son mari, le sentait parfois, surpris par un petit geste ou une de ses manières.
Mais il n'était pas pour autant tout à fait tranquille. Il lui arrivait soudain d'être frappé par la perspective d'être un meurtrier. Une pensée qui lui donnait des sueurs froides. Non par conscience morale de son crime, mais par peur de la catastrophe lorsqu'il serait découvert. Cela ressemblait à la peur du vide, et il avait parfois envie de hurler. C'était brutal, comme des crampes d'estomac. Et comme pour les crampes d'estomac, dès que la douleur disparaissait il oubliait tout et revenait à son quotidien.
Etait-ce donc qu'il l'avait aimée ? On ne pouvait pas dire que leurs sept années de vie de couple avaient été intenses, mais maintenant qu'elle était morte, il se rendait compte de son amour.
L'élite ne faisait que passer en gravissant les échelons de la carrière. Elle ne comprenait pratiquement rien à la politique concrète. Les principaux intéressés, puisqu'ils n'avaient pas l'intention de rester, n'essayaient même pas d'apprendre d'une façon détaillée. Ils s'accrochaient à l'échelle et d'un air prétentieux signaient aveuglément tout ce qu'on leur mettait sous le nez.
"Je viens tout juste de recevoir un coup de téléphone de mon domicile à Tôkyô. Pour me prévenir de la mort subite de ma femme."
(...)
- Ça m'ennuierait qu'on croie que je laisse tomber tout ça à cause d'une affaire privée.
- Une affaire privée, il s'agit quand même du décès de votre femme.
- Bah, malgré tout, il faut quand même séparer les choses.
Lorsqu'il se rendit compte qu'il venait de faire quelque chose d'irréversible, quelque chose d'insensé, une vague de chaleur envahit pour la première fois son corps... Il venait d'entrer dans le cercle des criminels...
Comment se faisait-il qu'il fût sans cesse ramené vers un endroit qu'il essayait à tout prix d'éviter ? Il commençait à devenir fou.
(p. 194)
Les hasards sont curieux, ils se succèdent puis il n'y en a plus du tout.
Les maris abandonnés par leur épouse attirent en général la compassion des femmes. Surtout celles des lieux de rendez-vous, dont le travail consiste à voir l'immoralité féminine au quotidien et qui, lorsqu'elles perdent un peu de la maîtrise que leur donne la conscience professionnelle, penchent encore plus du côté du mari dont l'épouse est adultère. Quand on réfléchit à cette psychologie, on peut comprendre que l'habitude du travail, qui entraîne à ne pas trop s'appesantir sur l'outrage du même sexe, fasse rejaillir à l'inverse le sentiment d'injustice, mélange de jalousie et de haine, accumulées.
L'acte n'avait pas été planifié. Il avait eu lieu par hasard. Dans le hasard il n'y avait pas de but. Dans un acte sans but la sensation de réalité était très légère