Citations sur La Maison Tellier (121)
Toute cette foule criait, chantait, braillait. Les hommes, le chapeau en arrière, la face rougie, avec des yeux luisants d'ivrognes, s'agitaient en vociférant par un besoin de tapage naturel aux brutes. Les femmes, cherchant une proie pour le soir, se faisaient payer à boire en attendant ; et, dans l'espace libre entre les tables, dominait le public ordinaire du lieu, un bataillon de canotiers chahuteurs, avec leurs compagnes en courte jupe de flanelle.
(La femme de Paul)
Dans l'établissement flottant, c'était une cohue furieuse et hurlante. Les tables de bois, où les consommations répandues faisaient de minces ruisseaux poisseux, étaient couvertes de verres à moitié vides et entourées de gens à moitié gris.
(La femme de Paul)
Elle tomba lourdement à ses pieds et elle gémit en versant des flots de larmes.
- Qu'est-ce que t'as contre moi?
Il se mit à crier, jurant:
- J'ai que je n'ai pas d'éfant, nom de Dieu! Quand on prend une femme, c'n'est pas fait pour rester tout seuls tous les deux jusqu'à la fin. V'là c'que j'ai. Quand une vache n'a point de viaux, c'est qu'elle ne vaut rien. Quand une femme n'a point d'éfant, c'est aussi qu'elle ne vaut rien.
Elle pleurait, balbutiant, répétant:
- C'n'est point d'ma faute! c'n'est point d'ma faute!
Alors il s'adoucit un peu et il ajouta:
- J'te dis pas, mais c'est contrariant tout de même.
(Histoire d'une fille de ferme)
Eh bien, puisque le gouvernement ne le fait pas, moi je le remplace, et je vous dis : « Prenez garde à l'amour ; il est en train de vos pincer, et j'ai le devoir de vous prévenir comme on prévient, en Russie, un passant dont le nez gèle. »
Je demeurai stupéfait devant cet étrange particulier et, prenant un air digne : « Enfin, monsieur, vous me paraissez vous mêler de ce qui ne vous regarde guère.»
Il fit un mouvement brusque, et répondit : « Oh monsieur, monsieur, si je m'aperçois qu'un homme va se noyer dans un endroit dangereux, il faut donc le laisser périr ? Tenez, écoutez mon histoire, et vous comprendrez pourquoi j'ose vous parler ainsi. »
(Au printemps)
Je m'en allais à petits pas dans ces rues de tombes, où les voisins ne voisinent point, ne couchent plus ensemble et ne lisent pas de journaux.
(Les Tombales)
L'impression de l'automne, de cette humidité tiède qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatigué, anémique, aggravait en la poétisant la sensation de solitude et de fin définitive flottant sur ce lieu, qui sent surtout la mort des hommes.
C'étaient de grosses dames aux toilettes farces, de ces bourgeoises de banlieue qui remplacent la distinction dont elles manquent par une dignité intempestive; des messieurs las du bureau, la figure jaunie, la taille tournée, une épaule un peu remontée par les longs travaux courbés sur les tables. Leurs faces inquiètes et tristes disaient encore les soucis domestiques, les incessants besoins d'argent, les anciennes espérances définitivement déçues; car tous appartenaient à cette armée de pauvres diables râpés qui végètent économiquement dans une chétive maison de plâtre, avec une plate-bande pour jardin, au milieu de cette campagne à dépotoirs qui borde Paris.
Lorsque les premiers beaux jours arrivent, que la terre s'éveille et reverdit, que la tiédeur parfumée de l'air nous caresse la peau, entre dans la poitrine, semble pénétrer au cœur lui-même, il nous vient des désirs vagues de bonheurs indéfinis, des envies de courir, d'aller au hasard, de chercher aventure, de boire du printemps.
Tout à coup Fernande, qui aimait beaucoup la musique, supplia Rose de chanter; et celle-ci entama gaillardement le gros curé de Meudon. Mais Madame tout de suite la fit taire, trouvant cette chanson peu convenable en ce jour.
Le personnel étant assez restreint, on avait tâché que chacune d'elle fût comme un échantillon, un résumé de type féminin, afin que tout consommateur pût trouver là, à peu près du moins, la réalisation de son idéal.