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Critique de Nastasia-B


Avant la lecture de ce livre, je ne connaissais de Guy de Maupassant que les nouvelles (que j'ai quasiment toutes lues). Et, pour ne rien vous cacher, je me sens un peu déçue par cette lecture : eu égard à ce que j'avais trouvé dans ses écrits courts, j'attendais plus de ce roman.

Ce que j'aime dans ses nouvelles, c'est justement l'émotion intense qu'il est capable de susciter en quelques pages ; c'est la profondeur et la permanence des personnages qu'il est capable de générer : je ferme les yeux et je me souviens instantanément d'une foule de ses personnages.

La sublime putain de Boule de Suif, la répugnante avare du Parapluie, le touchant Simon dans le Papa de Simon, la gaité communicative de l'énorme Toine, le sang froid incroyable du Père Milon, l'atroce drame vécu par celle qui se fait surnommer « Madame Baptiste » ou encore celui vécu par le malchanceux paysan de la Ficelle, etc.

Bref, en quelques coups de pinceau, il sait, il a le talent de brosser des personnages incroyablement crédibles et vivants, des personnages marquants, sans caricature excessive, des gens qu'on croirait connaître.

Or, et c'est ce qui me gêne un peu ici, les nouvelles — qui font normalement la part belle aux événements, contrairement au roman, qui lui est plutôt censé être le terrain de jeu favori des personnages — et bien, les nouvelles De Maupassant, dis-je, me semblent souvent plus abouties, quant aux personnages, que ceux de ce roman, ce qui est tout de même un comble. Je redoute d'oublier cette Jeanne beaucoup trop rapidement sitôt que j'aurai fermé les yeux.

Je ne peux pas m'empêcher de voir dans Julien (le mari de l'héroïne) une espèce de caricature du goujat. On sent que l'auteur souhaitait davantage régler ses comptes avec les gens de la haute société plutôt que de mettre sur pied un personnage réellement crédible, non monolithique, touchant par certains aspects.

Selon moi, Jeanne est une naïve naïve ; Julien, un goujat goujat, l'abbé Tolbiac, un fanatique fanatique, etc. J'aurais tellement mieux aimé avoir affaire à des personnages plus complexes, plus nuancés, à une naïve hédoniste, par exemple (comme semblait l'avoir été sa mère), un goujat flambeur (une espèce de Rastignac, pourquoi pas ?), un fanatique généreux (un peu dans le genre des syndicalistes de Steinbeck dans En un combat douteux), etc.

Bien entendu, ce ne sont que des exemples, mais juste pour avoir la sensation que ces personnages avaient différentes facettes ou, mieux encore, voir leur caractère évoluer au cours des années, car le roman s'étale tout de même sur environ vingt-cinq ans : il y avait le temps.

Je reviens (peut-être lourdement et auquel cas je m'en excuse auprès de vous) au parallèle avec les nouvelles du même auteur. Dans celles-ci, il s'efforce de rester assez extérieur (même si l'on se doute à chaque fois de quel côté penchent ses opinions) de nous présenter les choses et de nous laisser relativement libres de nos interprétations.

Ici, c'est tout différent : l'auteur souhaite — un peu trop à mon goût — imposer au lecteur ce qu'il doit penser de ses personnages et, par le fait, cela me séduit moins ; j'y développe moins d'empathie que pour bon nombre de nouvelles.

On ne peut toutefois pas dire que cela soit un roman désagréable à lire, ni même qu'il soit raté, mais je le trouve moins à point que ce que j'aurais espéré. (Notons au passage que Guy de Maupassant a recyclé dans Une Vie un certain nombre de nouvelles déjà publiées ailleurs : j'ai reconnu notamment Voyage de noce, Histoire Corse, Conte de Noël, Vieux Objets, etc.) Nous allons donc suivre, à l'époque de la Restauration, un quart de siècle de la vie d'une jeune noble provinciale.

Élevée chez les soeurs, sortie pleine d'idées hautes sur l'Amour, le Mariage, les Hommes, et, en un mot, la Vie. La demoiselle, devenue promptement dame, va vite déchanter. Contrairement à Emma Bovary, elle ne passe pas des heures à lire des livres en regardant tomber la pluie mais l'on sent tout de même qu'elle s'ennuie ferme dans son manoir normand de bord de Manche.

Et son mari est ce que l'on peut nommer, sans excès de féminisme, un salaud. La malheureuse Jeanne en voit de toutes les couleurs mais, et c'est là que je trouve que le personnage manque cruellement de profondeur, bon sang qu'elle est passive, bon sang qu'elle est résignée ! Jamais une once, une parcelle, un fin liseré de rébellion en elle…

Entre des parents poules qui la couvent de leur éternelle bienveillance, un mari coureur, mesquin, violent des relations de voisinage quasi inexistantes et un cruel manque d'imagination, il ne restait plus à Jeanne qu'à avoir des enfants…

Et on peut dire que là aussi, elle a tiré le bon numéro ! Avortons dans ses jeunes temps puis nullissime ensuite, tout juste bon à croquer la fortune et s'amouracher de la première venue, on peut, là encore sans cynisme excessif, affirmer que la maternité n'a pas comblé toutes les espérances de Jeanne.

Alors que reste-t-il, me direz-vous ? Eh bien ça, ce sera à vous de le découvrir, car c'est, me semble-t-il, tout le fond du roman, ça, le « que reste-t-il ? ». Donc, une impression pas désagréable mais pas non plus franchement enthousiaste me concernant. Cependant, d'autres avis sont très différents du mien et je vous invite à les consulter car ceci n'est, bien entendu, que mon a-vie, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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