AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lamifranz



Maupassant est d'abord et avant tout un auteur de nouvelles. L'un de nos meilleurs, si ce n'est LE meilleur. En tant que romancier, c'est beaucoup plus mitigé : oh, pas à jeter à la poubelle, bien sûr, mais de la poignée de romans qu'il nous a laissés, aucun ne tient la comparaison, en force, en puissance d'évocation, et même en qualité d'écriture avec ses contes et nouvelles, si tranchants, si riches en images, si fouillés en caractère – et en si peu de pages ! Certes « Bel-Ami » et « Une vie », ses romans les plus connus, ont leur petite célébrité (surtout par rapport aux autres, « Pierre et Jean », « Mont-Oriol », « Fort comme la mort », et « Notre coeur »), mais ils donnent une nette impression d'être poussifs, comme si c'était des nouvelles étirées. Ce n'est peut-être pas le cas, mais nous ne pouvons pas nous empêcher de comparer avec les nouvelles, et là, comme on dit, y a pas photo.
Pourtant ce sont des romans honorables. « Bel-Ami » peut être même considéré comme un grand roman, construit et bien écrit, dans ce portrait d'arriviste « par les femmes », déjà mis en scène par Balzac, Stendhal, Flaubert et Zola. « Une vie » est également très lisible, mais il pèche par deux côtés (à mon avis, ça n'engage que moi) : l'histoire, d'abord, est décevante : Nous avons ici un portrait de femme, certes pathétique (qu'est-ce qu'il ne lui arrive pas, à cette pauvre Jeanne !), mais crispant par ce manque de rébellion, cette passivité tout au long du roman, on a l'impression qu'elle attend que les catastrophes lui tombent dessus. le lecteur ou la lectrice trépigne en disant : mais vas-y rentre-leur dedans à tous ces salauds ! Par certains côtés elle ressemble à Emma Bovary, mais Emma finit par agir. Jeanne se confine dans une passivité qu'elle prend pour de la résilience. Vous me direz, après tout c'est peut-être une analyse psychologique : il y a des êtres qui sont velléitaires par nature et innocents (au sens premier : incapables de nuire) par caractère ou par atavisme. Mais Jeanne nous fait pitié, et en même temps, quelque part, elle nous irrite. La deuxième réflexion concerne la rédaction : comme dit plus haut, on a l'impression que sur un schéma de départ (qui aurait fait le sujet d'une bonne nouvelle) il étire, il rajoute, il comble des vides, en accumulant les avanies sur la pauvre Jeanne. Remarquez, ça se tient : Maupassant a suffisamment de savoir-faire pour livrer un travail soigné, et le résultat tient bien la route. C'est juste une impression, et seulement la mienne.
« Une vie », la vie de Jeanne, c'est pas une vie banale, elle en aura vu, la pauvre. Née dans un monde aisé, elle vit jusqu'au mariage dans une espèce de conte de fée où elle rêve à voix haute d'existence de rêve et de prince charmant. Elle croit même l'avoir trouvé en la personne de Julien. Mais celui-ci, à peine marié, la trompe avec toutes les femmes de son entourage, y compris sa propre bonne Rosalie (au passage la seule qui lui restera fidèle). Son mari est assassiné par un mari cocu. Entourée par des rapaces de toutes sortes, elle sombre dans la dépression, puis dans la misère, car son fils bien-aimé la ruine à petit feu.
Un roman qui reste lisible, avec les réserves (personnelles) énoncées plus haut, qui dresse le portrait douloureux d'une femme qui ne sait pas se battre, et plus encore d'une société où l'homme dominant a droit de vie et de mort (physiquement et encore plus moralement) sur sa femme et sur toute la maisonnée (famille et personnel). Dieu merci, on a un peu évolué de ce côté-là, même s'il reste beaucoup de chemin à faire.
On retiendra au cinéma l'adaptation d'Alexandre Astruc (en 1958) avec Maria Schell dans le rôle de Jeanne, et celle (TV) d'Elisabeth Rappeneau en 2005 avec la toujours magnifique Barbara Schulz.
Commenter  J’apprécie          193



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}