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Critique de gerardmuller


La fin de la nuit/précédé de Thérèse chez le docteur et de Thérèse à l'hôtel/F.Mauriac
Six ans après avoir mis un point qu'il croyait final à son roman ‘Thérèse Desqueyroux », François Mauriac (Prix Nobel de littérature 1952) reste obsédé par son personnage. Un personnage qu'il aime et qui le fascine malgré sa monstruosité. Un personnage subtilement complexe.
Une première nouvelle va suivre donc, « Thérèse chez le Docteur » dans laquelle on retrouve un personnage comme halluciné et au bord de la folie. Onze années ont passé depuis qu'elle a été chassée par Bernard, mais son instinct de détruire et sa soif de séduire sont intacts et la poursuivent. En fait elle projette de se débarrasser de son jeune amant, Phili, qu'elle entretient, mais qui ne l'aime pas.
Parallèlement, Mauriac se livre à une critique de la psychanalyse qu'il ne portait pas dans son coeur.
Dans « Thérèse à l'Hôtel », on retrouve une Thérèse en confession. Une confession écrite dans laquelle elle se livre sans détour. Elle ne peut oublier le « crime » d'Argelouse.
« Une complaisante défaillance du souvenir permet à la plupart de vivre en paix. Tout s'efface, pour eux, de ce qu'ils ont tissé dans la trame de leur vie. Les femmes surtout, sont une espèce sans mémoire ; c'est ce qui leur assure, à travers toutes les horreurs, ces yeux d'enfants : ils n'ont rien reflété de ce qu'elles ont commis. Sur ce point je ne ressemble pas aux autres femmes. »
Cette nouvelle est extrêmement intéressante, fondamentale pour comprendre le personnage et ses errements.
Après le suicide de Phili, elle s'installe dans un hôtel sur la Côte d'Azur, et confesse qu'elle a éprouvé un soulagement véritable : personne ne saurait qu'elle entretenait un jeune amant.
« Phili enterré, je vins dans cet hôtel, non comme une amante en deuil, mais comme une convalescente, avec cette angoisse double et délicieuse de sentir mon démon errant, désoeuvré, inoccupé, mais en quête d'une autre créature. Ce qui m'étonne, au fond, étant ainsi faite, ce ne sont pas les actes que j'ai commis, mais ceux que je n'ai pas commis. »
Dans un style toujours aussi simple et dépouillé, Mauriac écrit là parmi ses plus belles pages en un récit poignant et saisissant.
Dans « La Fin de la Nuit », on retrouve Thérèse à Paris, vivant dans un petit appartement rue du Bac, dans une solitude quasi carcérale. Vieillissante, dans la prison de son acte, (« Tuer ces remords dont s'engraisse notre orgueil, songeait-elle, tout est bon pour l'orgueil. »), elle a la surprise de voir arriver de façon impromptue sa fille Marie. le moment de surprise passé, elle comprend que la venue de sa fille n'est pas fortuite. Marie a fait connaissance de Georges ; elle est pleine d'illusions avec ses dix sept ans, illusions que sa mère ne veut pas anéantir. Son désir de rachat se conjugue avec sa lutte contre la fatalité.
Mais ce qui surprend le plus Thérèse, c'est que sa fille ne connaît pas la vérité : « Oh ! ce n'était pas pour Thérèse qu'ils avaient consenti au silence, mais pour l'honneur de la famille. »
Le long dialogue qui s'ensuit entre la mère et la fille est un des plus bouleversant moment de ce récit. Mais on hésite à penser que l'instinct maternel de Thérèse s'est réveillé.
La rencontre entre Thérèse et Georges est assez inattendue et le dialogue qui s'en suit entre ces deux êtres qui ont des points communs est stupéfiant, d'une grande intensité dramatique. Marie a alors disparu de la scène imperceptiblement.
Thérèse sait jouer avec les âmes, et notamment avec celle de Mondoux, sa dernière victime, l'ami de Georges, qu'elle a courtisé pour rendre Georges jaloux, mais qu'au fond elle méprise : « Elle était sûre d'avoir découvert l'endroit où il fallait frapper son ennemi ; elle le sentait souffrir avec une jouissance profonde. Et plus venimeuses étaient les paroles qui montaient à ses lèvres, sans effort, d'un flot continu, plus sa voix prenait de la suavité. L'assouvissement la rendait douce. La certitude d'avoir le dernier mot, de donner le coup de grâce, lui restituait la paix. »
Peu à peu, Thérèse sombre dans la paranoïa. Son déclin est amorcé déjà depuis longtemps vers une agonie qui n'en finit pas tandis que la famille murmure dans les corridors…
Ce dernier épisode de la vie de Thérèse Desqueyroux apparaît comme l'apothéose d'un destin tragique, un destin racinien nourri d'un constant conflit entre la chair et l'âme.
Sublime.
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