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Critique de aa67


aa67
25 février 2024
Ce que peut l'amour maternel.

Dieu du ciel disaient mes ancêtres, mais où cette femme a-t-elle puisé la force de rencontrer le bourreau de son fils ? Comment a-t-elle réussi à braver l'opinion des siens et de son entourage pour leur prouver que de discuter avec ce meurtrier allait faire revivre son fils ? Oui, on est bien en face de l'IMPENSABLE.

Pas étonnant que Colum McCann ait disparu si longtemps du monde littéraire. Pour lui aussi je me suis posé une question : comment a-t-il eu le courage de « déranger » cette mère, de lui demander de partager ses sentiments sans tomber dans le voyeurisme. Dans tous les cas, il y est arrivé, et pour les deux d'ailleurs ; elle a partagé en totalité ses émotions et lui n'a fait que sonder son âme.

Et moi, pourquoi avait-je ressenti le besoin de me plonger dans cet impensable ? Parce que cela complétait et faisait un tout avec deux inoubliables lectures : « V13 » d'Emmanuel Carrère et « Le droit d'emmerder Dieu » de Richard Malka. Je me suis dit qu'avec le témoignage de cette mère hors-norme je m'approcherais un peu plus de l'explication du mot barbarie. Il n'en a bien sûr rien été. Je ne comprendrais jamais cette psyché humaine qui vogue entre schizophrénie et paranoïa ; ce qui n'est au fond pas si important. Ce qui l'a été, c'est que j'ouvre un peu plus les yeux, que je prenne la mesure de ce que certaines personnes endurent et ceci même si je ne peux pas leur prendre leurs blessures, leurs douleurs. Détourner le regard serait non seulement une faute, mais ce serait bien plus, ce serait un affront.

L'écriture de Colum McCann est structurée de telle manière à ce que le lecteur soit plongé dans ce face à face avec l'impression d'être présent dans cette salle d'audience, d'avoir le sentiment qu'il se sera approché du bourreau, de sa victime ainsi que des personnes impactées par cet horrible crime. Je pourrais relever de très nombreuses citations mais en transcrivant l'efficace incipit, la note sera donnée.

« Octobre 2021, Alexandria, Virginie
Elle se réveille dans l'obscurité de l'hôtel. Des lampadaires ici et là, à travers les rideaux fins. Là-bas, au loin, WashingtonD.C.-ville des vérités, des demis-vérités, des doubles vérités, des mensonges. Une vérité certaine : son fils n'est plus depuis sept ans, et ce matin elle va s'assoir avec l'un de ses assassins.
Cette perspective lui noue les nerfs à la base de la nuque. Ce n'est pas seulement qu'elle ignore ce qu'elle attend de lui : c'est aussi qu'elle ne sait pas bien ce qu'elle attend d'elle-même. Une symphonie confuse. Compassion. Vengeance. Ressentiment. Pitié. Deuil. Grâce.
Toute la nuit elle a prié, encore plus que d'habitude. Elle a imploré les plus hautes instances. Sondé les ténèbres autant que la lumière. Issa des heures à se demander comment appeler cet homme. Alexandra, Alexe, Alex. Kotey, monsieur Kotey. Non. Pas monsieur. Pas ça. »

L'histoire
James Foley que sa mère appelle Jim, a été décapité en Syrie. Journaliste pur et dur, passant sa vie à essayer de montrer l'endroit et l'envers des décors, il sera un moment otage parmi d'autres otages. Il fera partie de ceux que Daech a kidnappé afin de prouver au monde entier que rien ne les arrêtera plus. Humanitaires, journalistes et autres innocents vont payer de leur vie pour assouvir leur haine. Il meurt
Diane, la mère créé une association, se démène comme un petit diable pour qu'on n'oublie ni son fils, ni ces horreurs commises au nom d'Allah.
En face d'elle, Alexanda Kotey, fin trentaine, ex-britanique, fils d'une mère psychothérapeute, trois filles en Syrie, une en Grande-Bretagne, enrôlé par Daech. Il plaide coupable dans 8 accusations de meurtres. Par ce biais il n'aura pas besoin de passer par la case procès.
Le ministère propose à Diane de discuter deux jours avec Kotey, en quasi tête à tête, avec juste 6 avocats autour d'eux. Diane accepte. Elle va lui poser des questions profondes et tellement évidentes «  comment Allah voici le mettre de non-combattants ? Pourquoi les journalistes ? Les humanitaires ? ». Elle aimerait aussi savoir où son fils est enterré. Oui mais au début de l'entretien « cet homme était une mer gelée ».

Colum Mccann nous fera également revivre l'été 2014 avec tout ce que cela peut comporter mais aussi juin 2022 lorsque Diane recevra deux lettres du bourreau de son fils.
Le livre deux est très longuet, ce qui explique mes trois étoiles.

Citations :
« Il y a une immoralité du monde contre laquelle elle doit se dresser avec ses moyens, aussi limités soient-ils. Même si ça ne marche pas. Elle est prête à s'y risquer. Risquer la gêne. Risquer le ridicule. Parfois on sait où est le bien. Parfois on suit son instinct. Si on ne fait rien, rien ne se fait. »
« Le plus intelligent est celui qui sait qu'il ne l'est jamais : là est la contradiction ».
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