L'homme qui marchait sur la lune est un livre étrange. Hybride. On pourrait croire qu'il s'agit d'un polar, si le long préambule n'évoquait pas la chronique d'un randonneur solitaire.
Howard McCord y parle de morale, de folie, de la guerre de Corée. Ce court roman pourrait aussi bien être une sorte de biographie si l'auteur, à l'identique d'un Thoreau, ne s'inclinait pas vers le nature writing en esquissant cette montagne sauvage et préservée du regard des hommes. Il y évoque son métier d'assassin, les armes, l'élégance d'un pruneau lancé à trois cents mètres par seconde ou le bruit sourd d'un Sharps .45-70. Il nous met mal à l'aise quand il narre son talent pour mettre définitivement fin à toute discussion, mais nous fascine dès que ses pas crissent dans la neige.
On évoque parfois le talent d'un acteur en assurant qu'il parviendrait à nous captiver même en lisant l'annuaire. Il en va de même pour les écrivains. Certains, comme
Howard McCord pourrait réécrire le bottin et trouver le moyen de rendre l'exercice intéressant. Pas ceux qui trônent trop souvent en tête de gondole de la libraire F. ou du site A. Quelques autres, plus discrets, moins faciles, qui vous font dire « c'est tout de même de la put… de bonne littérature ! »
Il y a quelques années, j'écumais les ateliers d'écriture de ma ville et je crois que j'éprouvais davantage de plaisir à écouter les mots singuliers d'une plume étrangère, qu'à noircir les pages vierges de mon écran. On se nourrit des autres. Quoi que l'on puisse en penser. Qu'importe l'histoire, l'authenticité d'un personnage, le sens du rythme. En fin de compte, ce que l'on retient relève de la magie, celle des alchimistes, du tour de main d'un cuisinier, de la précision d'un ébéniste, de cette somme incertaine et impalpable de petits détails qui métamorphose un objet informe et anodin en prodige. Unique, étonnant, improbable, expressif et lumineux.
Howard McCord n'écrit pas. Il sculpte un massif. Déchire nos chairs. Brouille les pistes. Bascule nos certitudes. Embrase notre âme. Pour cela, le modeste lecteur que je suis lui rend grâce. Infiniment.
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