D'os et de lumière

c’est ce qui est fascinant, leur croyance c’est que si tout le monde marche, parle et fait des choses dans le même sens, alors il existe un réel danger que le monde entier bascule, donc il faut qu’une personne aille dans le sens opposé pour maintenir l’équilibre du monde

une fois encore je perds le fil
emporté par les souvenirs

six où sept bulletins d’information nécessitant mon attention
tous à intervalles réguliers, la journée scandée comme la règle monastique d’un ordre strict synchronisé avec les rythmes du monde et avec toutes ses perturbations, le vaste déploiement de l’histoire qu’en tant que citoyen je me dois de suivre, j’ecoute leurs lointaines houles car, même s’il est improbable que de tels événements me touchent avec l’immédiateté violente des bombes ou des balles, qui peut affirmer qu’ils ne poseront pas leurs doigts électriques sur moi pour faire bifurquer ma vie ou en modifier la trajectoire (...)

les articles en première page disent que le monde continue d’avoir des hauts et des bas, il s’élève en toute splendeur et sombre en ruines avec les guerres qui se poursuivent à l’étranger - Afghanistan et Irak entre autres - ailleurs, des tentatives d’accords de paix - Israël et Palestine - plus près de chez nous, le drame se déroule sur un mode moins tonitruant mais néanmoins bien réel - pénurie de lits dans les hôpitaux, contestation des accords sur les salaires dans le secteur public - de bonnes histoires humaines et peu importe la façon dont elles se termineront, on le sent bien, l’élément chair et sang y frétille (...)

et si jamais cette femme devait être refaite, le monde pourrait recommencer avec la lumière et l'harmonie de cette pose qui était si caractéristique de tout son être, tirant de l'éther sa configuration, sa structure et son harmonie, toutes les lignes et contours qui font d'elle la femme qu'elle était ce jour-là, sa santé et son moral intacts, cet instant où elle était absorbée en elle-même dans les livres et la musique, oublieuse du monde entier, permettant ainsi que quelque chose d'elle, quelque chose de vrai dont elle n'avait pas conscience, apparaisse si clairement (...)

la crise se répandait, le nombre de patients dépassait les quatre cents et commençait à sérieusement mettre sous pression les services médicaux

ce sont les derniers jours, papa, les signes sont partout, la situation est grave, le peuple est en marche, la peste déferle sur la ville

flottant dans cet état entre le sommeil et la veille je peux facilement croire que j'habite un monde à rayons X monochromes dont je pourrais m'être évaporé, chair et os disparus, englouti non par un pourrissement ou un dépérissement physique mais par quelque virus métaphysique qui me dévorerait et ne laisserait plus rien de moi que mon propre battement de cœur suspendu en plein air
(P. 200-201)

...l’effondrement d’une petite banque dans une économie insulaire devenue la ligne de faille fissurant l’univers entier, tout cela ridiculement improbable, tellement improbable en termes d’échelle et de conséquences que c’est comme si quelque chose n’ayant jamais existé avait fini par s’effondrer
ou se révélait bâti sur du vide avant de finalement tomber en ruines de cette manière spécifique qui prouvait son inexistence, même s’il règne maintenant tout autour de nous ce sentiment que quelque chose de massif et d’important a volé en éclats, comme lorsque certaines pressions dépassent des seuils critiques et font qu’un minuscule échantillon de chaos déclenche l’effondrement de la totalité de l’édifice, et donc on a beau croire que cet écroulement est fondamentalement circonscrit à un monde parallèle, on ne peut nier l’attraction gravitationnelle ressentie dans tout ce qui nous entoure aujourd’hui, l’instabilité qui grésille partout comme une fièvre, tellement tangible qu’on se demande comment se fait-il qu’on n’ait pas remarqué les tensions qui s’intensifiaient

Les dures leçons à tirer de la toute dernière défaite comme si c’était l’heure et le lieu pour un sermon ce qui m’amène à vite le refermer, pas envie d’une homélie à cette heure de la journée, le journal indique la date
du 2 novembre, le mois des âmes du Purgatoire déjà, l’année presque à son terme et donc pas vu passer le mois d’octobre à peine commencé déjà fini en un éclair, on n’a remis les pendules à l’heure d’hiver que la semaine dernière et les articles en première page disent que le monde continue d’avoir des hauts et des bas, il s’élève en toute splendeur et sombre en ruines avec les guerres qui se poursuivent à l’étranger – Afghanistan et Irak entre autres – ailleurs, des tentatives d’accords de paix – Israël et Palestine – plus près de chez nous, le drame se déroule sur un mode moins tonitruant mais néanmoins bien réel – pénurie de lits dans les hôpitaux, contestation des accords sur les salaires dans le secteur public – de bonnes histoires humaines et peu importe la façon dont elles se termineront, on le sent bien.