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Critique de Arimbo


J'avais été ébloui par le coeur est un chasseur solitaire et, d'un style très différent, La ballade du Café triste.
Toute l'humanité, la tendresse, la beauté extraordinaire de l'écriture de Carson McCullers sont aussi présentes dans ce roman assez court, 200 pages, qui est, à nouveau, dans mon ressenti, avec sa part de subjectivité, un chef-d'oeuvre absolu.

Comment peut-on décrire d'une façon aussi bouleversante et juste les tourments d'une pré-adolescente trop précoce, ayant grandi trop vite, et avec cette manière d'écrire si poétique. Et toujours cette admirable construction, cette fois en trois parties reflétant parfaitement le sens du récit.

C'est le portrait de Frances, dite Frankie, Addams, qui traîne ses multiples questionnements d'une enfant de 12 ans; une enfant ayant grandi trop vite, de celles « qui font plus grandes que leur âge ». Une presque adolescente rebelle, qui rêve d'un autre monde, mais qui a quand même peur du noir, au point de demander à son très jeune cousin John Henry de venir dormir dans sa chambre. Une enfant dont la mère est morte à sa naissance, et dont le père qui est horloger-bijoutier est peu présent dans la maison, et fort distant avec sa fille, ce qui explique, peut-être, les tourments et les grosses bêtises que va faire Frankie.
Le substitut de sa mère semble être Bérénice, une servante noire au grand coeur, une personnage plein de bonté et de piété, de finesse psychologique et de crédulité .

La grande affaire du roman, c'est que le frère de Frankie, Jarvis, qu'elle adore, militaire actuellement en Alaska, doit en revenir pour se marier avec Janice, que Frankie aime beaucoup aussi. Et Frankie, en mal de vivre, qui déteste la ville où elle réside, se persuade qu'elle va quitter pour toujours ces lieux pour partir à travers le monde avec Jarvis et Janice.

Mais plus que l'intrigue, ce sont toutes les idées, les sentiments de Frankie, les dialogues si émouvants et pleins d'humour avec la nounou Bérénice et le petit cousin John Henry. Et l'atmosphère de la maison où elle vit, de la ville qu'elle parcourt dans tous ses dédales, en faisant une mauvaise rencontre.
Et aussi, au passage, une description si sensible de la condition des noirs nous est donnée par les propos de Bérénice. Et tant d'autres choses, l'amour, l'amitié, la solitude, le mal de vivre. Et l'exceptionnelle beauté de l'écriture, avec notamment ses petits leitmotivs.

C'est un roman d'une portée et d'une beauté intemporelle.
En effet, bien qu'il s'agisse de l'histoire d'une jeune fille, vivant dans le Sud des Etats-Unis à l'époque de la fin de la seconde guerre, et que je sois un homme bien vieux, vivant en France, j'ai ressenti avec force toute cette période de la vie où l'on est encore un enfant dans un corps qui devient celui d'un adulte, cette période où l'on est « mal-fini », où l'on a le sentiment d'être incompris de tous, surtout des adultes.

Et en ce sens, ce roman de McCullers confirme cette idée développée par mon cher et regretté Milan Kundera, c'est le pouvoir extraordinaire de la fiction romanesque qui, plus que d'autres moyens d'expression selon Kundera, est un moyen pour nous faire appréhender la vie, la nôtre et celle des autres.
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