AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de clairemarquez75


La misère est une aiguille qui vous perce le coeur. Mais tant que l'aiguille ne bouge pas, le coeur bat et l'animal se tient coi. Mais bougez cette aiguille, et vous réveillerez une douleur terrifiante. Alors, vous connaîtrez les crocs de l'enfer. 


New York assiste impuissante au combat de ses enfants en guenille dans une crasse famélique, et de sa progéniture gavée d'une condition sociale que rien ne doit altérer. La ville où l'Europe entière accoste s'arrange des menus larcins commis par les premiers pour survivre. Mais ces infractions sont des tiques plantées dans le cou de la vertu, et cette dernière compte bien arracher chaque parasite.


"Pour la mère irlandaise qui errait dans le quartier de Battery Park et dont le nourrisson venait de périr dans ses bras ; pour le boucher italien qui venait de vendre son dernier morceau de viande de cheval avariée aux squatteurs du terrain vague au-dessus de la 8oème Rue, et pour tous ceux entre les deux ; pour les pauvres dont la pauvreté était telle qu'ils mourraient bientôt, pour les criminels dont les actes n'offraient aucune garantie contre la misère à laquelle ils essayaient d'échapper, pour les gens relativement prospères et modérément respectables, pour les gens modérément prospères et particulièrement respectables, et pour les très riches qui n'avaient pas besoin de se soucier de leur respectabilité, l'an de grâce I882 venait de débuter."


Le juge Stallworth regorge d'ambitions politiques pour sa famille. Son fils Edward assure le pan religieux du devoir, depuis sa chair de pasteur. Duncan, son gendre, est pour sa part destiné à briguer le poste de maire de New York. Et pour réussir ces missions ambitieuses, rien de tel que d'éradiquer le crime, et encore mieux, en le montrant par la preuve : la famille Shanks, typique de la dépravation, entre l'avorteuse, la prêteuse sur gage, la faussaire, et les enfants pickpockets, doit être le modèle de réussite du juge. Ils doivent tous disparaître sous les yeux ébahis de l'assistance. 


Alors que la première partie du plan fonctionne à merveille, les Stallworth se révèlent trop gourmands. La bête se retourne et la vengeance sera terrible.


La plume de Michael McDowell est parfaitement affûtée, glissant sur la peau du lecteur avec délectation. On y retrouve la juste dose d'horrifique, et un savoir maîtrisé à la perfection pour poser une ambiance.


"Puis. même la faible lueur qui filtrait par la porte d'entrée disparut, et Edward se retrouva dans ce qui semblait être un escalier sans fin, exigu et grinçant. L'air était chaud et vicié, et seul le fait qu'il grimpait empêchait son imagination d'associer sa progression à une descente aux Enfers. Trois portes à la peinture criarde, de travers dans leur montant, se dressaient sur le palier suivant et, d'un air moqueur, le mettaient au défi de tourner leur poignée. Derrière l'une d'entre elles, il lui sembla entendre une respiration laborieuse, s'échappant du silence qui régnait dans la bâtisse."


Michael McDowell dépeint une époque au cours de laquelle on ne masquait pas encore son racisme et son mépris de la pauvreté, une époque plongée dans les entrailles du pire de l'humain. Refermant ce roman, encore une fois illustré de main de maître par Monsieur Toussaint Louverture, je sens encore palpiter chaque personnage dans les enluminures, et comme un parfum d'opium se dégage des pages crème. 

Premier roman lu en 2024, et premier coup de coeur de l'année !

Commenter  J’apprécie          100



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}