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Critique de daniel_dz


Un psychotique poursuit Joe de ses assiduités, persuadé que Joe est secrètement amoureux de lui. Harcelé, Joe finit par douter lui-même de ses propres facultés mentales, menant son couple au bord de la rupture. Même si Ian McEwan n'a pas encore atteint ici toute la maturité de ses romans ultérieurs, je vous recommande ce roman pour son thème intéressant et pour la finesse psychologique qui caractérise cet auteur.

J'avais découvert Ian McEwan avec « Sur la plage de Chesil »; il avait d'emblée suscité toute mon admiration par la sensibilité qu'il parvient à transmettre dans ses textes. Et puis je me suis délecté tout autant en dévorant "L'intérêt de l'enfant".

"Délire d'amour" est antérieur à ces deux textes. Je dirais qu'il n'en atteint pas les sommets, mais je n'hésiterai toutefois pas à vous le recommander.

Le début du récit est splendide. Il raconte avec une précision quasi journalistique comment des hommes qui ne se connaissent pas accourent au milieu d'un champ pour venir en aide à un aérostier qui s'est empêtré dans les câbles de son ballon en le faisant atterrir et ne parvient pas à le retenir au sol, alors qu'un enfant est encore dans la nacelle. La tension est intense, on se sent au milieu du groupe, comme si l'on était l'un de ces hommes. L'épisode s'étend sur plusieurs dizaines de pages. Et au milieu de tout cela, l'auteur consacre juste quelques mots à deux hommes qui se frôlent, dans l'action.

Mais l'un de ces deux hommes est un psychotique, un érotomane. Il est persuadé que l'autre, Joe, qu'il rencontre pour la première fois, est amoureux de lui et qu'il lui envoie des signes pour lui exprimer ses sentiments en secret. Malgré tout le plaisir de lecture qu'elle procure, on pourrait penser que la longueur de cette première partie est excessive pour simplement introduire le personnage de l'érotomane. Mais au contraire, c'est un moyen fort habile de l'auteur pour faire ressortir la légèreté d'un geste auquel l'érotomane va donner des proportions énormes.

Pour sentir toute la folie de cet homme, lisez ce petit mot, qu'il adresse à Joe: "Quand vous êtes sorti de chez vous hier soir et que vous avez effleuré de la main le dessus de la haie, je n'ai pas compris tout de suite. J'ai longé l'allée, j'ai tendu le bras et j'ai palpé les feuilles que vous aviez touchées. Je les ai palpées une par une et j'ai eu un choc en découvrant qu'elles étaient différentes de celles que vous n'aviez pas touchées. Il y avait un rayonnement, une espèce de brûlure sur mes doigts qui venait de ces feuilles mouillées. Là, j'ai compris. Vous les aviez touchées d'une façon particulière, pour me transmettre un message."

Décontenancé par l'attitude de cet homme, il n'en parle pas tout de suite à ses proches. Et comme l'homme reste dans l'ombre, la femme de Joe commence à douter de son existence; elle s'interroge sur l'état mental de son mari, qui s'en trouve complètement déboussolé, en plus d'avoir l'esprit miné par le harcèlement du psychotique. Je vous laisse découvrir l'issue de l'histoire…

Le thème est intéressant et traité avec finesse. Ian McEwan semble s'être documenté très sérieusement sur le sujet. Il m'a également stupéfait par ses digressions scientifiques; j'étais même persuadé qu'il avait eu une formation voire une carrière scientifique avant de se lancer dans la littérature. Mais non, vérification faite. Impressionnant !

Ces digressions sont d'ailleurs une faiblesse de ce texte. Certes, elles ne sont pas inutiles pour plonger le lecteur dans la personnalité de Joe. Mais il me semble qu'elles auraient pu être réduites; de ce point de vue-là, le texte n'a pas l'efficacité que j'apprécie tant lorsque je lis des bons auteurs de nouvelles. de même, la petite histoire secondaire de l'enquête menée par Joe sur l'un des hommes du ballon contribue à tenir le lecteur en haleine mais là aussi, on aurait pu en faire l'économie; le texte en aurait sans doute gagné en force. Les deux romans que j'ai cités plus haut sont plus homogènes et plus fort. Sans doute fallait-il laisser l'auteur gagner en maturité.
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