Le jaune
Quelques unes des ultimes feuilles des jeunes amandiers, plantés de loin en loin sur le trottoir, voletaient sous les lampadaires, lorsqu'il vint me chercher à l'arrivée du dernier car en provenance de la capitale. C'était un homme corpulent, prématurément chauve, dont je sentais le pas puissant à mes côtés, tandis que nous traversions la rue en direction d'un pavillon victorien. La porte d'entrée du pavillon était ornée d'une vieille treille, aussi incongrue là, en pleine ville, qu'un carré de thym ou de lavande.
"La maison fait partie de l'école, expliqua--t-il. C'est pour ça qu'elle n'a pas été rasée au bulldozer. On n'a pas de loyer à payer."
Sa femme paraissait plus jeune que lui, les cheveux blond filasse et le visage d'oiseau contrastant avec le corps bien en chair. Toute sa personne évoquait des tissus passés au soleil. Ils avaient deux filles adolescentes, en jupe et chemisier d'école de couvent, et un fils un peu plus âgée qui possédait le même visage d'oiseau et les mêmes cheveux blonds que sa mère, frêle présence à côté de son père.