— À... à quoi tu joues, Benny? demandai-je, figée.
— Mick m’a appelé, ce soir. Il m’a dit que c’était toi qui réglerais sa dette.
— C’est pour lui rendre service. Je ne te dois rien, moi, répliquai-je sèchement.
Je sentais l’instinct de survie prendre le dessus. Benny posa ses deux coudes grassouillets sur son bureau.
— J’ai bien envie de lui donner une bonne leçon, à Mick. Et j’aimerais savoir si tu as vraiment de la chance, petite.
Travis bondit de son fauteuil et m’entraîna dans son sillage. Il me fit passer derrière lui et recula en direction de la porte.
— Josiah est de l’autre côté, jeune homme. Vous pensez passer par où pour vous échapper, exactement ?
Je m’étais trompée. Avant de réfléchir à la façon dont je pouvais peut-être amadouer Benny, j’aurais dû tenir compte du fait que Mick souhaitait avant tout sauver sa peau, et Benny gagner de l’argent.
— Travis... soufflai-je en voyant l’un des sbires du mafieux s’approcher.
Il se redressa, paré au combat.
— J’espère que vous savez, Benny, que si je liquide vos hommes, ce n’est pas par manque de respect pour vous. Mais j’aime cette fille, et je ne peux pas vous laisser lui faire du mal.
Benny éclata d’un rire grinçant.
— Alors là, je dois reconnaître, fiston, que de tous ceux qui ont jamais franchi cette porte, c’est toi qui as la plus belle paire de couilles ! Laisse-moi t’expliquer ce qui va se passer. Le plus grand, là, sur ta droite, c’est David, et s’il n'arrive[…]
Quand mes lèvres rencontrèrent les siennes, il m'embrassa avec une profonde émotion, et je compris pourquoi il s'était fait tatouer, pourquoi il m'avait choisie, et pourquoi j'étais différente. Chacun de notre côté, nous n'avions rien de particulier. C'est ce que nous composions tous les deux qui était exceptionnel.
Le public se calma, et mes mains volèrent au secours de mes oreilles quand la sono installée à l'autre bout de la salle déversa ses montagnes de décibels.
- Je sais qu'on est mal barrés, d'accord? Je suis impulsif, je pars en vrille sans prévenir, et je t'ai dans la peau comme jamais personne auparavant. Tu agis comme si tu me détestais, et l'instant d'après, tu as besoin de moi. Je ne fais jamais ce qu'il faut comme il faut, et je ne te mérite pas... mais putain, je t'aime, Abby. Je t'aime plus que je n'ai jamais aimé qui que ce soit ou quoi que ce soit. Quand tu es près de moi, je n'ai plus besoin d'alcool, ni d'argent, ni de combats, ni de baise facile. Je n'ai plus besoin que de toi. Je ne veux que toi.
Je ne baissai pas les yeux, il fallait tenir bon.
- Tu n'as rien fait. Depuis quand le cul est-il une affaire de vie ou de mort, pour toi?
- Depuis que je couche avec toi !
Je me raidis un instant, puis posai la tête sur son torse. J'ignorais ce qui le préoccupait, mais il avait besoin de moi près de lui, et lui dire non m'était impossible, même si j'en avais eu envie. Parce qu'être ainsi allongée avec lui, en cet instant précis, c'était LA réponse à toutes nos questions.
Travis m'attrapa la main et soupira.
- C'est pas ce que je voulais dire... Mais s'il te fait du mal, et même s'il te met dans une situation embarrassante, dis-le-moi ok?
La colère se dissipa, je me détendis.
- Je sais bien, mais il faut que tu arrêtes avec cette attitude protectrice de grand frère. C'est pesant, à la fin.
Travis eut un petit rire.
- Je ne joue pas au grand frère, Poulette. T'es loin du compte.
- Si je voulais calmer Finch, je lui dirais que Prada a déposé le bilan.
- Non, non, non. Je ne peux pas mourir parce qu'il y a trop de connards qui rêvent de prendre ma place ! Je suis capable de vivre éternellement rien que pour les emmerder !
_ Je voudrais porter un toast! hurla t-il soudain.
Je me tournais. Il était monté sur une chaise et avait piqué sa bière au type qui se trouvais à coté de lui.
_ Au connard, lança-t-il à l'intention de Brad. Aux filles qui vous brisent le cœur, ajouta-t-il en me saluant. Et à l'horreur absolue que constitue la perte de sa meilleure amie parce que l'on a été assez con pour en tomber amoureux.
Il vida sa bière d'un trait et la jeta par terre.