Un coeur solitaire

Seigneur, Jamie a fière allure, déclara-t-elle d’une voix sifflante qu’elle tentait d’étouffer, en s’installant sur sa chaise. Et tu sais, il sent très bon ! Mais il est perdu sans une femme pour s’occuper de lui, un homme de son âge ! — Je sais, fit Mildred en hochant la tête d’un air entendu, le menton rentré. Et dire qu’il a tout cet argent qui dort dans ton compte d’épargne.

Gagner le cœur de Lydia serait sa victoire ultime. Sa vie n’était qu’un refrain morne et solitaire, et une bonne amie lui apporterait fraîcheur et gaieté.

Son enfance malheureuse avait étouffé dans l’œuf sa confiance, sa foi, son assurance et toutes ces choses qui permettent à un homme de se forger un regard clair et fidèle sur ce qu’il est. Si, enfant, il avait souffert d’un nombre incalculable de brimades, il avait mis un point d’honneur, une fois adulte, à ne jamais causer dé tort a personne.

Ils avaient subi et vu tellement de brimades que l’évanouissement de leur camarade ne les émouvait pas outre mesure. Leur unique consolation était d’avoir échappé jusqu’à présent à la colère de la nonne. Leur but commun était de maintenir le statu quo jusqu’à la fin de la leçon.

Leur seul crime était que leurs mères étaient mortes, trop pauvres pour les garder, ou trop faibles pour résister au pouvoir et à l’autorité qui les condamnaient à abandonner leur rôle maternel.

Tu es un cœur solitaire et tu veux rencontrer un autre cœur solitaire. Publie une annonce et tu verras bien ce qui se passe. Tu n’as rien à perdre. Et on ne sait jamais qui tu pourrais rencontrer.

Rappeler à Lydia les nombreux défauts du sexe fort semblait la seule arme dont elle disposait dans la bataille pour conserver l’affection de sa fille. Elle saisissait chaque opportunité pour lui asséner ses opinions acerbes sur la faiblesse des hommes et les désavantages du mariage.

Toutes ces années passées en classe à inculquer aux enfants la propreté et la rigueur, à leur demander de se tenir droits et de ranger leurs bureaux, avaient fait d’elle, par nécessité, une fervente adepte de l’ordre et de la discipline.

Quelle importance, ce qu’elle est, tant qu’elle a bon cœur, qu’elle peut cuisiner un ou deux p’tits gâteaux et tenir sa maison en ordre ?
Dans le monde de Rose McFadden, la véritable valeur d’une femme n’était mesurée que par la texture de sa pâtisserie, la blancheur de son linge, et son aptitude à tricoter à quatre aiguilles un talon de chaussette sans faux pli.

Le mariage était pour les intrépides. Les hommes capables de marcher sur la corde raide de la vie sans laisser le moindre soubresaut ni la moindre oscillation les détourner de leur but.