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Critique de Slava


Slava
19 décembre 2020
Cinquième tome du cycle de l'Hérésie d'Horus, Fulgrim se distingue radicalement des autres volets qu'on a vu jusque-à. D'abord, il doit son titre au plus flamboyant des primarques el famoso Fulgrim dont lui et sa légion fantasque seront les stars du récit. Et ensuite, il se pique de nous plonger dans un voyage particulier, pas seulement des étoiles et des planètes comme on en a l'habitude à présent, non : un voyage dans la folie et l'aliénation total sous fond d'art, dans la décadence totale avec des accents baudelairiennes qui explore les remous les plus noirs de l'âme humaine.
Les Emperor Children's sont une légion bien à part des autres : portant de chatoyantes armures violettes à l'épaulière décoré d'un aigle d'or, ils se dédient à la perfection ultime, aussi bien en combat que dans la culture. Aussi ils favorisent les arts, notamment dans leur vaisseau Pride of the Emperor à la coque plus proche d'une pièce artistique qu'un navire spatial de guerre et qui regroupe plus d'artiste en son équipage que de commémorateurs lambda, qui se dévouent à préparer un concert éclatant à la gloire du régiment dans le Fenice, théâtre présent dans le navire amiral : parmi cette troupe artistique se trouve deux nouvelles étoiles montantes ayant reçu le privilège de côtoyer au plus près les fils de l'Empereur, se trouvent la peintre Serena d'Angelus à l'âme tendre et le sculpteur introverti Ostian Delafour. Les Emperor Children's sont tous d'esthètes d'une beauté sublime, entre Solomon Demeter le pragmatique, l'apothicaire Fabius Bile, le belliqueux Lucius... mais rien ne peut égaler à leur chef, Fulgrim. Fulgrim le beau albinos aux yeux pourprins, Fulgrim l'érudit phénicien, Fulgrim le plus élégant de tous les primarques. Cette quête de perfection en tout genre irrite toutefois leurs pairs, notamment et paradoxalement leurs plus proches alliés, les Iron Warrior menés par le bourrin primarque Ferrus Mannus meilleur ami de Fulgrim aux mains de fer, littéralement. Mais Ferrus Manus est preux tandis que Fulgrim est sage, ils sont tous deux de merveilleux courages. D'ailleurs les Emperor Children's se démarquent une fois de plus lorsqu'ils conquièrent une nouvelle planète, Laeran,, composée d'atoll surnageant dans un océan bleu et d'une population serpentine bien bizarre... et d'un temple bien obscur d'où siège une épée mystique à à la facture impressionnante, que Fulgrim en conquérant s'y attribue. Sans que lui et ses soldats se doutent un instant qu'ils viennent de signer la lente mais implacable corruption morale et physique qui va les déchoir de leur gloire et orchestrant leur propre chute... une chute qui va briser les vies autour d'eux et embraser les astres...
Nous avions vus précédemment ces Space Marines bien curieux dans les Faux Dieux mais ils étaient jusque-là personnage secondaire. Ici, le talentueux Graham McNeil nous immerge dans leur organisation et leur intimité qui est beaucoup plus animé, plus vivace et plus ardente que les sinistres et austères membres de la Death Guard vus précédemment, une ambiance très bigarrée ou l'art prédomine partout, où on cultive l'achèvement absolu et la beauté : on est loin de l'atmosphère militaire rigide attendu ! Un cadre bien riche et vibrant de vie mais qui surtout est le prélude de bien des drames... car avant même que la tragédie commence, on pressent les infortunes avec l'arrogance et l'orgueil qui y suinte en conséquence venant aussi bien des artistes que des Astarté , la fatigue dû à la pression et surtout un détachement des conventions dû aux plaisirs de la perfection... cela prépare l'horreur qui va suivre, celle de la perversion des sens lancé par le Chaos qui est le marionnettiste évidemment : car à vouloir être trop parfait et chercher l'excellence partout, on s'ennuie et on veut alors toujours plus, y compris quand ça mène au pire... ce qui va hélas se produire.
Les combats à Laeran sont endiablés, très palpitants le tout dans un décor digne des Caraïbes, où on suit l'élégance presque féline de ses soldats notamment du primarque. Mais après le passage angoissant du temple, c'est la décrépitude qui s'enclenche, inexorable avec son lot de démences. Mais pas une pourriture venant du Seigneur des Mouches comme dans La Fuite de l'Eisenstein, non non ! Une déliquescence plus insidieuse et vicieuse, plus subtile certes mais tout aussi monstrueuse qui porte la marque du plus sordide et sensuel des dieux, le Prince du Plaisir et de la Souffrance, Seigneur de l'Excès, le sadique Slaanesh qui préside toutes les dépravations possibles et inimaginable.
Ce n'est peut-être pas un hasard que ce soit le même tome ou figure les machinations de la divinité du désir, qu'apparait pour la première fois dans le cycle le peuple des Eldars, les Elfes de l'espace en quelque sorte. Une race jadis supérieur à l'humanité dont la civilisation dominait toute galaxie avant d'être balayée par leur propre chute qui a vu naître le Prince du Chaos, qui tente de réparer ses erreurs en conservant le peu qu'il reste de leur espèce mais qui se méfie rudement des humains dont ils voient en eux le reflet de leurs propres défauts. La première rencontre entre les Eldars et les humains dans ce cycle, avec la venue du prophète et mystique Eldrad Ulthan qui voit l'avenir au delà des étoiles, va d'ailleurs mal tourner comme on s'en doute...
Autant aussi prévenir dessus, les méfaits de Slaanesh ne sont certes pas aussi immondes et dégoutants que son collègue verdâtre et bouffi mais sont tout aussi ignobles et pouvant heurter la sensibilité de beaucoup. On procède des manipulations médicales abominables, on crée des tableaux à partir des fluides corporels, on se mutile volontiers... mais arrive le paroxysme, l'insoutenable , toutes les turpitudes de l'hédonisme humain s'y offrent dans leur monstruosité.
On assiste à une dégradation totale de l'âme et du corps qui peut en donner la nausée, liée avant tout à la recherche de la perfection et de l'art, car ce sont les perfectionnistes et artistes qui sont touchés par la déraison, abordant avec brio le thème philosophique de la folie artistique, de l'art qui rend fou et de la quête effrénée de l'amélioration de soi-même au prix d'une inhumanité croissante que montrent trop bien le docteur Fabius Bile qui y pratique ses premières médecines horribles, ou Lucius qui s'engouffre dans un masochisme écoeurant. Mais Fulgrim comme toujours détient la palme, perdant la décence et la sanité dans des manifestations d'aberration et d'égarement effrayants et on peine à imaginer que le monstre de la fin était le sage et prévenant du début. .
En face s'oppose la légion rigide des Iron Warrior, plus dévouée à l'art militaire qu'à l'art des sens, guerrier sans atteindre le coté sanguinaire des World Eater l'armée du brutal Agron et Ferrus Manus parait plus intransigeant et dur que son ami Fulgrim mais plus sémillant et pragmatique que ce dernier, lié par un lien fraternel fort et des talents d'artisan qui les nouent. Un lien qui sera hélas brisé par la trahison et qui tourneront par la catastrophe finale Les passionnés du manga de Kentaro Miura ne manqueront pas de remarquer que le duo formé par un brun gaillard renfrogné et un délicat albinos gracieux en rappelle un autre duo iconique de ce genre... Ferrus Manus sera malheureusement victime de la débâcle de la légion des Emperor Children's mais n'est pas le seul, car d'autres vont en pâtir douloureusement du destin . Et viendra cependant un événement bien plus désastreux, la bataille d'Istvaan V qui scelle une fois de plus l'hérésie d'Horus en allant encore plus que la bataille d'istvaan III en terme de fourberie. L'horreur consumé achevant ce qui restait des nobles Emperor's Children, o à la fin les âmes pures ont été vaincues par les âmes corrompues qui triomphent. Quelle différence flagrant avec le volet de James Swallow ou les sains d'esprits étaient vainqueurs ! Beaucoup d'amertume qu'on ressent à la fin ou on a l'impression d'être dans un véritable asile d'aliénés.
Le tout porté par une écriture toujours géniale de Graham McNeil qui correspond bien au ton du récit. Lyrique par moment en se dédiant aux beautés de l'art et des Emperor Children's dans leur noblesse, elle est dure et brutale quand les actes obscènes se déroulent, montrant bien le coté aigre-doux des affres de Slaanesh. Après les Faux Dieux qui réinterprétait le mythe luciférien, ici c'est la légende de Faust qu'il réecrit avec en plus une belle part de l'oeuvre de l'anglais hédoniste Oscar Wilde, le Portrait de Dorian Gray ou l'art qui va jusqu'à l'indicible et la perfection obtenu au prix de l'âme humaine s'y retrouvent merveilleusement. le pacte silencieux mais couteux avec le Mal revisité dans sa splendeur.
Je pourrais juste me plaindre de quelques longueurs interminables et le fait que la fameuse bataille finale va bien trop vite alors qu'on s'attendrait plus vu sa portée dans l'histoire de la franchise cosmique mais je n'ai rien à rajouter. Fulgrim est un chef d'oeuvre qui nous emmène sans sourciller dans la folie et le délire que peut provoquer l'art et la recherche de perfection, dans les détraquements de l'âme humaine et son pourrissement moral, et la dégringolade d'héros valeureux qui se terminent en véritable démons. Une fascinant mais dérangeant parcours vers la noirceur et une descente aux enfers à découvrir si vous l'osez, en résistant si vous pouvez à la séduction de Slaanesh par l'Empereur !
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