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Citations sur Les anges stagiaires (4)

Par la porte à droite de l’autel nous entrâmes dans le cimetière.
— Voyez-vous, cher Rafail, ici le château devient église, l’église se transforme en cimetière. Quand j’ai
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épousé Alexandre, je les ai épousé tous les trois : châ- teau, église, cimetière. J’avais vingt ans. Je viens d’une famille aussi ancienne et bien plus riche que celle de mon mari, mais nous n’avons pas préservé le berceau familial, nous nous sommes dispersés à travers la France, et que dis-je, le monde, car il y a des G. (elle prononça un nom glorieux) en Suisse, en Italie, au Canada, et nos tombes sont partout. Alors que là, ils sont ensemble. Quand après notre mariage Alexandre m’a emmenée ici et m’a montré ces tombes, j’ai vu toute ma vie se déployer devant moi. J’ai su que, dès lors, j’appartenais à ce bout de la Terre, parce que ces morts m’ont accueillie et m’ont donnée une place parmi eux. Et vos proches, Rafail, où sont-ils ?
— Jenesaispas:Goldenblatc’estcommeDupont, à peu près aussi rare.
— À votre âge, je savais déjà où je serai enterrée, répéta Thérèse. Quant à mon mari, il le savait dès sa naissance.
Je compris, tout à coup, pourquoi il lui était facile de se défaire de ses vestes. Nous marchions sur les feuilles grasses du plantain qui poussait entre les tombes, entre les obélisques et les dalles brisés. Thé- rèse s’arrêta devant une pyramide et me l’indiqua des yeux. Il y avait sur sa face un relief figurant une croix dans une couronne.
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Fier de cette brusque lucidité, je poussai la porte de mon bureau et affrontai le mécontentement de Sandrine. Si un tel était le Grand, tel autre le Sage, tel autre le Bienheureux, Sandrine était la Mécontente. Mon malheur à cette époque n’était pas de partager le bureau avec quelqu’un de pénible, mais de le par- tager avec Sandrine qui l’était à sa manière, stoïque.
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Personne ne forçait Sandrine à rester au bureau toute la journée: seul comptait le nombre de notices que chaque membre de notre équipe rendait à la fin du mois. De ce point de vue, notre bureau était un luxe superflu. Nous pouvions tout aussi bien travailler à la bibliothèque, ou emporter les livres à la maison. Mais Sandrine travaillait au bureau. Chaque matin elle arrivait tôt, avant moi, et le soir repartait tard, après moi. Occupé ainsi, ce lieu était à elle : j’y passais tandis qu’elle demeurait ; j’étais occasionnel, elle permanente. C’était son siège, d’autant plus que sa place se situait à côté de la fenêtre alors que la mienne était à côté de la porte, et que le message téléphonique était enregistré par elle et à son seul nom ; enfin, c’était l’affiche de son film préféré qui ornait le peu de mur vide qui n’était pas tapissé de livres.
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À l’époque où je m’installai à Paris – loin du lieu de ma naissance, loin de ma tristesse d’enfant unique gâté comme peuvent l’être les enfants uniques et, qui plus est, les enfants d’exilés (nos parents nous arrachent à nos potagers natals et nous transplantent dans un terreau nouveau pour une vie meilleure, promesse impossible à tenir et grosse de culpabilité), loin égale- ment de ma province d’accueil genevoise, si peu mienne, comme du reste n’importe quelle autre province de la planète Terre – à l’époque donc où, âgé de trente ans, je m’installais dans ce centre du monde, dans cette ville, ce par(ad)is, nécessairement perdu, il me sem- blait évident que je le faisais pour une seule et unique raison: pour être encore plus libre. Je ne dirais pas comme Pic, pour imiter sur terre la vie des chérubins, mais presque. Je me souviens de mes premiers mois à Paris : j’en étais ivre, je jubilais, je perdais la tête. J’étais le vagabond médiéval, un brin de rien, invisible, injoi- gnable. Tel un Scythe venant des bords du Pont-Euxin, un pèlerin amoureux de son ombre, j’avais traversé l’Europe, ne me liant à personne, me nourrissant de rien (du pain, des olives et des figues), m’endormant sur des pierres chaudes nappées de lichen. Et, après l’avoir ainsi toute traversée, j’avais choisi Paris pour m’y arrêter, pour un moment, for a while. Bref, Paris, c’était ma gageure, mon image adventice, celle dans laquelle je m’étais reconnu, que j’avais passionnément voulu mimer. Il m’avait fallu Paris, et cela s’était fait.
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La cour devant l’entrée était pleine. L’odeur des sacrifices pénétrait jusqu’aux poumons, des lourdes boucles grises encerclaient les têtes brunes et blondes, s’élançaient dans l’air. On fumait. Des déguisements en oripeaux, trop larges ou trop étroits, cela se boutonnait ailleurs que logiquement. Les hommes étaient plus vieux que les filles. Plus jolies étaient ces dernières et plus courtes étaient leurs robes; plutôt qu’une robe, une paire de jeans de rien du tout, mais sur quelle paire de fesses! Le noir dominait. Le fameux goût parisien. L’allure étaient languissante, paresseuse: ils ont tout vu et depuis longtemps.
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